La déportation des « enfants Barnardo » est maintenant oubliée au Québec sauf en Estrie où il reste quelques survivants. Il y a quelques jours, la Presse canadienne en faisait mention.

À la fin des années 1800, la Grande-Bretagne souffre d’une importante hausse du taux de chômage et d’une grave pénurie de logements. La criminalité augmente, les enfants abandonnés hantent les rues des villes. À partir des années 1860, apparaît dans l’Angleterre de Charles Dickens un mouvement qui veut sortir les enfants de la ville et donc des vices et autres maux qui y sont associés. Pour ses partisans, seule la vie à la campagne est saine et purificatrice pour la jeunesse.

Le docteur Thomas Barnardo est le représentant le plus influent de ce mouvement qui va devenir un des plus draconiens de l’histoire de l’émigration. Cet étudiant en médecine irlandais veut devenir missionnaire en Chine. Il arrive à Londres en 1866, en pleine épidémie de choléra. Horrifié, il découvre des hordes d’enfants dormant sur les trottoirs et mendiant pour manger. Il prend conscience du grand nombre d’enfants abandonnés et déshérités dans les villes d’Angleterre. Il abandonne son projet de devenir missionnaire. Sa mission, l’œuvre de sa vie, se fera ici, à Londres. Quatre ans plus tard, ce philanthrope et entrepreneur social ouvre un premier refuge dans le East End de Londres pour éduquer les enfants des rues abandonnés. Entre la fondation de son premier asile, en 1870, et sa mort, en 1905, près de 60 000 enfants furent sauvés, élevés et intégrés dans la société.

Les nourrissons sont envoyés à la campagne et on essaie d’envoyer les enfants dans les colonies de l’empire. Les organisations qui envoyaient les enfants au bout du monde, loin de leurs parents, croyaient leur faire une grande faveur, les soustrayant souvent à des conditions de vie misérables pour leur donner la chance d’un meilleur avenir ailleurs dans l’empire britannique.

En 1882, Barnardo envoie au Canada un premier groupe d’une cinquantaine d’enfants. Il est rapidement imité. Dans les années précédant et suivant immédiatement l’année 1900, des dizaines de personnes et de petites organisations de bienfaisance britanniques envoient des enfants au Canada.

De 1869 à 1924, 80 000 enfants se retrouvent au Canada dont certains en Estrie, particulièrement à Knowlton. L’organisme de Barnardo reste le plus important, responsable du tiers des envois. Il avait prévu un système d’inspection pour s’assurer qu’on donne des soins suffisants aux enfants. L’intention était belle mais la réalité beaucoup moins. La « purification » planifiée tourna assez mal. Les enfants déportés habitaient souvent dans des fermes où ils devaient travailler de longues journées dans des conditions déplorables. Leur salaire était dérisoire et ils étaient en plus souvent victimes d’abus de toutes sortes de la part de leurs employeurs.

Malgré un rapport dénonçant les conditions épouvantables de la plupart de ces immigrants forcés, on ne cesse pas pour autant les déportations. En fin de compte, alors que l’immigration de ces enfants est remise en question par des Canadiens qui en saisissent ses nombreuses failles, ce n’est pas la compréhension éclairée qui met fin à cette longue pratique de l’histoire canadienne, c’est la Crise économique des années 30.

Aujourd’hui l’organisme de Barnardo s’occupe d’enfants handicapés, de victimes d’abus sexuel, d’enfants avec troubles psychiatriques, SDF ou touchés par le VIH/sida. Sa mission principale est liée à la diminution de la pauvreté, et ses projets impliquent plus de 115 000 enfants.

François Gauthier et l’équipe du Kiosque

Pour en savoir plus :

http://www.collectionscanada.gc.ca/…

http://www.thecanadianencyclopedia.com…

http://www.infed.org/thinkers/barnardo.htm

Mesures annoncées par les gouvernements australiens et britanniques concernant les enfants déportés

Chronologie de l’immigration forcée des enfants britanniques

Lost Children of the Empires, The Untold Story of Britain’s Child Migrants, par Philip Bean et Joy Melville, éditions Unwin Hyman, Londres, 177 pages. 1989.