The Nazi War on Cancer, Robert N. Proctor, Princeton.

Racial Hygiene: Medicine Under the Nazis, Robert N. Proctor, Harvard.
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Des dizaines d’historiens se sont penchés sur la science à l’époque d’Hitler. On sait à peu près tout sur le gaz Zyklon 2 utilisé dans les camps d’extermination, le boycot des scientifiques juifs, les stérilisations massives et les expérimentations «médicales» S.S. Mais, dans son livre, “The Nazi War on Cancer,” (Princeton) l’historien des sciences Robert N. Proctor révèle que les scientifiques nazis prônaient aussi bien l’auto-examen des seins que le pain à blé entier. Ils ont été les premiers à étudier les dangers de l’amiante et des produits cancérigènes en milieu de travail. Inspirés par Hitler, les Nazis ont aussi mené une féroce lutte au tabac.

Hitler ne buvait pas, ne fumait pas et la viande le dégoûtait. Le style de vie du führer était présenté comme le modèle à suivre pour améliorer la santé de la race allemande. Les Nazis commencèrent une campagne pour la tempérance, les jus de fruits, le soja et le blé entier ( le pain blanc était considéré comme une invention des révolutionnaires français). Les SS produisaient du miel organique et, pendant la guerre, contrôlaient le marché de l’eau minérale. Si les Nazis s’opposaient à la chirurgie du nez et à la crème fouettée qu’ils considéraient comme décadents, ils s’enthousiasmaient pour l’homéopathie et la médecine herbale tout en s’opposant à d’autres thérapies alternatives. Ils ont été les premiers à s’intéresser sérieusement au cancer.

Le cancer, peu fréquent avant la fin du XIX siècle, devient un enjeu important au début du siècle. Les Allemands étaient particulièrement concernés par cette maladie en partie parce que l’Allemagne était un producteur important de produits cancérigènes et le taux de cancers était très élevé. La lutte contre le cancer prit diverses formes: alors que la radio et les journaux priaient les femmes de faire l’auto-examen des seins et prônaient une meilleure alimentation (moins de gras, de viande et de sucre) , les scientifiques étudiaient les dangers des résidus l’amiante et de l’exposition aux rayons X, etc. Les scientifiques nazis ont aussi tenté d’identifier les produits cancérigènes dans l’environnement. Mais, surtout, ils ont commencé les premières recherches, des décennies avant tout le monde, sur le lien entre le cancer et la cigarette.

Dans l’esprit des nazis, le tabac était associé au jazz, au swing, aux Noirs et aux Tziganes. De plus, le responsable de la santé du Reich, Leonardo Conti, croyait que la dépendance au tabac pouvait entrer en contradiction avec la loyauté politique. Le Troisième Reich a été le promoteur d’une série de mesures que n’auraient pas désavoué le lobby anti-tabac: interdiction de fumer dans certains endroits publics, création de wagons non-fumeurs, campagnes anti-tabac agressives, restriction sur la publicité. Il était interdit de voir des femmes dans la publicité sur le tabac ou de vendre des damen-zigaretten (cigarettes pour les dames), etc. Les Nazis ont même passé des lois contre le fait de conduire « sous l’influence de la cigarette » et condamné à mort un travailleur qui avait causé un incendie en oubliant sa cigarette allumée dans une usine.

L’industrie du tabac ne mégota pas pour résister aux nazis, allant jusqu’à créér son propre centre de recherche. Les Nazis reculèrent et continuèrent à donner des rations de tabac aux soldats. Après la guerre, les Allemands réalisèrent bien que le taux des cancers du poumon chez les femmes était demeuré très bas, mais on se méfiait des opinions anti-tabac associées aux nazis.

L’auteur qui a travaillé au U.S. Holocaust Memorial Museum de Washington estime que la guerre des Nazis contre le tabac a été ignorée parce que nous ne sommes pas à l’aise avec l’idée qu’un régime monstrueux peut, sous certains aspects, avoir un comportement scientifique respectable.