Un article de Myriam Ségal, dans Le Quotidien

« Je suis syndiquée, et je ne le regrette pas la plupart du temps. On nomme comme président un collègue qui a du tact, qui connaît son monde, de préférence, un que le patron estime : ça facilite le dialogue. Ça ne se rue pas vers le poste ! Avec un conseiller permanent, il négocie des conditions qui permettent aux employés et à l’entreprise de vivre décemment. Et on file sur cet équilibre durant trois ans avec des règles claires.

 

Je verse au syndicat, pour ça, 2 % de mon salaire. Ce qui me bogue, c’est la part qui va à la centrale, et ce qu’elle fait avec. Pour un petit syndicat, l’appui d’un permanent et d’un service juridique est essentiel. Mais le reste frise le détournement de démocratie.

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Le budget de la centrale n’apparaît sur son site que dans un communiqué propagandiste, sans détails. Administration : 20 millions $ ; direction : 42 millions $. Ce n’est pas la même chose ? 31 millions $ pour les relations de travail, 33 millions pour les mobilisations. Cela n’inclut pas le fonds de défense professionnel, à part, avec ses 70 millions. Les compagnies inscrites en bourse montrent plus de transparence !

 

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Malgré toutes les avances technologiques, les centrales continuent à procéder en assemblée de délégués à main levée. Or, un syndicat local ne choisit pas son président pour ses opinions sociales et politiques. Dans l’euphorie d’une assemblée fiévreuse, étourdis par les slogans, ils se sentent aspirés, intimidés. Je le sais. J’en fus une.

 

Avec les sondages scientifiques, les courriels, les votes électroniques, il n’a jamais été si facile d’informer, de vérifier le pouls de ses membres. Mais quand on consulte les travailleurs chez eux, et qu’ils en jasent avec leur conjoint et leurs proches, on perd l’effet exultant des tribuns. On risque de se faire dire ce qu’on ne veut pas entendre. Est-ce pour ça que bien des offres patronales ne sont jamais mises en ligne pour y réfléchir à tête reposée avant une assemblée houleuse ?

 

Pourtant, je crois à l’utilité d’un syndicat et d’une centrale qui aide les employés à juguler la voracité de certains patrons. Changer de centrale ? Beaucoup d’énergie pour rien, vu qu’elles se ressemblent : des entreprises qui enflent en s’attribuant des mandats jamais votés par leurs membres.

 

Je subis, je paie. Parfois, je suis tentée de jeter le bébé avec l’eau du bain. »