« Le Canard enchaîné » – mercredi 29 août 2012 – page 5

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Certes, disloquer les roches en injectant à très haute pression de l’eau assaisonnée de produits chimiques, ce n’est pas forcément ce que l’on fait de mieux pour la nappe phréatique, mais il y a un autre souci. En extrayant le gaz de schiste, on fait flamber le prix de la crème glacée. En effet, pour augmenter l’efficacité du cocktail injecté dans la roche, les pétroliers y adjoignent de la gomme de guar. Une légumineuse indienne dont l’agroalimentaire raffole. Baptisées E412, ses graines réduites en poudre blanc jaunâtre servent tout à la fois d’agent épaississant, d’émulsifiant et de stabilisateur. On en retrouve dans pratiquement toutes les crèmes glacées industrielles, en bac, en petit pot, en bâtonnet, en bûche… L’E412 est aussi frénétiquement utilisé par la boulangerie industrielle pour améliorer le rendement de la pâte en empêchant l’eau de fiche le camp trop vite, et pour ralentir le rancissement de l’amidon, ce qui prolonge la durée de vie des brioches et autres pain de mie et pain viennois. C’est le même produit qui est saupoudré pour augmenter la viscosité des smoothies, ces jus de fruits lactés, ou encore stabiliser le goût du fromage industriel.
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Le hic, c’est que, depuis que les pétroliers ont commencé à exploiter le gaz de schiste aux Etats-Unis, le prix de la gomme de guar explose. En deux ans, la tonne est ainsi passée de 1 200 à 16 000 euros! Comptez 9 tonnes en moyenne pour un forage de gaz de schiste, contre quelques grammes seulement pour fabriquer des litres de crèmes glacées. Les fabricants de glaces et les grosses boîtes de l’agroalimentaire qui pensaient avoir découvert là le haricot magique, avec cet additif bon marché, pratique et pas calorique, peinent à trouver une solution de rechange. Et non pas un produit à la gomme.