annasophia-robb-seventeen-may-2013-cover-girlJ’ai 17 ans. J’entends mon horloge biologique sonner. Angoisse. Il ne me reste que quelques mois pour pouvoir lire Seventeen. Finie la procrastination, je me rends au magasin.

Ça me prend un peu de temps avant de le repérer dans le flot de couleurs criardes qui déferle de la section « jeunesse ». D’autant plus que le nom Seventeen est en partie caché par la tête blonde d’une fille en maillot de bain, ce qui m’a fait le confondre avec un magazine pour homme. Mais les titres sont sans équivoques : on m’annonce un été épique avec de supers maillots de bain, du super maquillage et des supers beaux gars. La présentation me trouble légèrement, mais je l’achète.

Là, c’est la drôle de tête du vendeur qui me trouble. Il sourit un peu trop, il pousse la revue vers moi avec un peu trop de plaisir. Les clients en file derrière moi ne peuvent ignorer quel est mon achat, la couverture est trop voyante au milieu du comptoir. Vague malaise. Prochain achat : une cagoule.

Enfin chez moi, je m’installe confortablement pour le lire. Et je comprend la source de mon malaise : ce magazine n’est visiblement pas adressé à moi, mais à des filles de quinze ans qui ont hâte de grandir. Ou à des filles de dix-sept ans sérieusement immatures.

Chaque page qui passe est une explosion. Les filles éclatantes de bonheur dans leur maillot de bain me sautent dessus. Il y en a plus de 250, étalés dans un dossier d’une quinzaine de pages. Au passage, j’apprends que les rayures sur un maillot de bain remplissent aux « bons endroits » et que les froufrous mettent l’accent sur les hanches. Je n’y aurais jamais pensé. En prime, on me présente des exercices à faire pour avoir des belles fesses à présenter sur la plage.

Plus tard, c’est la phase rassurante. On interroge deux célébrités : celle qui est en couverture, Anna Sophia Robb (The Carrie Diaries), et un mec, Callan McAuliffe (The Great Gatsby). Ne vous en faites pas si vous ne les connaissez pas : moi non plus. Ils sortent tout juste de l’adolescence, et il faut être calé en séries Hollywoodiennes pour les connaître. Mais peu importe, leurs confidences ont de quoi faire un baume au cœur de n’importe quelle jeune fille insécure : Anna Sophia avoue qu’au secondaire elle était la weird de l’école avec tous ses livres, et Callan dit aimer quand les filles sont un peu gênées et pas trop maquillées. Ouf ! J’ai peut-être une chance d’être populaire après tout !

L’opération estime de soi continue : plusieurs filles nous expliquent comment elles ont réussi à se sentir bien dans leur peau en mailllot de bain. « J’ai appris que les gens m’aiment pour qui je suis », « J’ai arrêté de faire une fixation sur la taille », « Je me suis sentie bien dans ma peau quand j’ai trouvé un maillot qui m’allait. » J’en suis encore toute émue.

Et maintenant, place aux choses sérieuses : les gars, priorité numéro 1 de n’importe quelle fille normale. Là, on nous rassure encore en défaisant des mythes sur le sexe. J’apprends avec stupeur que mettre deux condoms l’un par-dessus l’autre n’offre pas nécessairement de meilleure protection, car ils peuvent déchirer ! Que je ne perdrai pas ma virginité en me masturbant ! Que laisser un gars sur sa faim ne va pas le faire souffrir atrocement ! Mieux vaut tard que jamais, n’est-ce pas ?

Puis, c’est le déchiffrage de leur écriture. On m’apprend que si un garçon signe en lettres détachées dans mon album de finissant, c’est qu’il est plutôt réservé, et qu’il faudra faire les premiers pas avec lui. Vite, mon album !

Toutes ces informations palpitantes lues et absorbées, que faire de mon exemplaire ? L’offrir à mes amies ? Elles se sentiraient insultées. Le jeter ? Contre mes principes, surtout après avoir dépensé 4,60$ pour un objet à usage unique. Je vais probablement le garder dans mes archives, au cas où j’aurais un doute sur mon choix de maillots de bain… ou sur ma maturité.

– par Naïma Hassert