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C’est la rentrée des classes, deux semaines après la rentrée de bureau. J’ai eu le temps d’oublier comment on s’habillait au cégep. J’ai mis une chemise blanche légèrement déboutonnée, un jean et un veston. Beaucoup trop habillé, je me fais dévisager.

C’est le cours de philosophie. J’arrive 2 minutes en retard, la classe est pleine et silencieuse, tout le monde est penché sur sa copie. Déjà un examen ? Je demande la feuille au professeur, m’attendant presque à un défi dès le premier cours. Je n’ai toujours pas appris ma leçon. Ce n’est qu’un questionnaire « brise-glace ».

–       Quel est ton programme ? (passons la question…)

–       Passion, intérêts, loisirs ? (mon travail, et accessoirement la danse)

–       Que veux-tu faire plus tard (ambition, travail, rêve) ? (continuer mon travail… c’est plate comme réponse, mais c’est comme ça)

–       Un événement, livre, musique, qui t’as marqué ? (comme livre, peut-être les Harry Potter que j’ai lu 8 fois chacun… ou bien le jour où je suis parti brusquement de chez moi… passons la question aussi).

–       Des mots qui, selon toi, caractérisent l’humain ? (pfff…)

Maintenant, tout le monde est invité à partager les réponses de son questionnaire. On fait un tour de classe. Tout le monde est évidemment plus original que les autres, une fille ne se souvient plus du nom de son profil en sciences humaines (Administration, Monde, Questions Internationales… ? Je ne sais plus…), certains choisissent de partager l’élément marquant de leur vie, d’autres non, et tout le monde donne trois mots qu’une courageuse volontaire écrit au tableau.

La prof lit le plan de cours, avec des minuscules variations qui font en sorte que je ne peux ni lire, parce qu’elle me déconcentre, ni écouter, parce que ses phrases sont trop longues pour sonner naturelles à l’oral. Je commence à halluciner une tasse de café qui danse.

« On prend une pause, ou on passe tout de suite à l’exercice ? »

Tout le monde : « Tout de suite, tout de suite ! ». Moi : « Une pause, une pause ! » Il me faut mon café si je ne veux pas loucher devant l’exercice.

Comme la classe est divisée sur la question, elle donne la possibilité à ceux qui le veulent de sortir un petit 5 minutes, pendant que les autres continuent l’exercice. Personne ne se lève. Sauf moi. Quand je reviens, ils ont commencé sans moi. Ils sont déjà en équipe en train d’échanger. Je me greffe à une équipe de 5, et on fait un tour de table des mots au tableau avec lesquels on est d’accord, et ceux avec lesquels on ne l’est pas. Tout le temps que j’ai pris pour me chercher un café, ils l’ont passé à préparer leurs réponses. Et ils semblent prendre ça au sérieux. Ça n’a pas été une question facile.

À la fin, plus personne n’a quoi que ce soit à se dire. On reste silencieux autour des bureaux à regarder par terre en attendant que la prof nous permette de partir. Parfois, quelqu’un pose une question générale pour approfondir le contact : « Est-ce que c’est la première fois que vous prenez ce cours ? » « C’est quoi déjà, vos noms ? »

Enfin, elle nous donne sa permission suprême. Je retourne chez moi me faire payer pour faire un travail que j’aime.