Radio-Canada


Roulette dans un casino  Photo :  IS/iStockPhoto

La première phrase a du sens: 4 % de la population québécoise serait aux prises avec une dépendance, que ce soit à l’alcool, aux drogues, aux médicaments ou au jeu pathologique.

La deuxième aussi: Mais seulement 55 000 personnes sur une possibilité de 350 000 font appel chaque année aux services des centres de réadaptation publics.

Puis, on dérape: Selon l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (ACRDQ), si les gens ne font pas appel aux services disponibles, c’est souvent parce qu’ils refusent d’admettre qu’ils ont un problème de dépendance.

L’Association n’a pas pensé une minute à ceux, très nombreux, qui admettent volontiers qu’ils ont un problème mais qui préfèrent fréquenter les groupes anonymes plutôt qu’un centre de réadaptation. À Montréal seulement, il y a plus d’une centaine de meetings chaque semaine.
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Le Kiosque a publié

Les Anonymes: Petite histoire des groupes anonymes

Extrait:

Premier meeting: le choc

«Ils n’ont pas seulement atteint le fond de leurs ressources personnelles; ils ont également atteint le fond des ressources professionnelles (médecins, psychologues, chirurgiens, orienteurs etc.), celles du milieu de travail (les collègues sont tannés de les couvrir, son boss ne peut plus passer l’éponge; souvent il a même perdu son boulot.) et même celles de leur milieu familial ( tous les membres de la famille ont atteint les limites de leur patience et ont habituellement abandonné l’idée de les voir changer) Alors il ne leur reste plus rien. Pas seulement rien au plan matériel; il ne leur reste rien de la vie. Plus d’espoir; c’est la désespérance. Souvent il n’y a plus personne dans leur vie qui croit en eux. » (France)

«La peur m’a amené à G.A. L’anxiété et l’angoisse permanente me faisaient craindre la crise de cœur. J’avais peur de mourir.» (André)

Quand il franchit la porte pour sa première réunion A.A., le nouveau est accueilli par des gens qui, un soir, sont arrivés dans le même état sinon pire. Aussi, l’accueil est chaleureux, toujours. Tous savent le courage et l’effort nécessaires pour admettre sa défaite et venir à «un premier meeting».

Chaises alignées ou en rond, cafétière qui ronronne dans un coin, des publications du mouvement disposées sur une table dans un coin.

Un membre (choisi par rotation) anime la réunion qui commencera ponctuellement et durera une couple d’heures.

Tous répètent la prière de la sérénité : «Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux et la sagesse d’en connaître la différence.»

Dans les petits groupes, on fait un tour de table et chacun déclare « : «Je m’appelle… et je suis un alcoolique.» On n’utilise que les prénoms.

Puis l’animateur, après avoir donné les nouvelles, présente le membre qui a accepté de raconter son expérience. Ou annonce le sujet de partage. En accord avec leurs principes anarchiques, le sujet n’est pas obligatoire; c’est une simple suggestion. Mais, et c’est un gros mais, il y a trois règles strictes: on n’interrompt jamais celui qui parle; on ne fait pas de commentaires sur ce qu’il a dit ( ce qui coupe le sifflet aux gourous) ; on ne parle que de son problème, impossible donc de déraper sur ses convictions religieuses, politiques ou quoi que ce soit qui n’a pas un rapport direct avec son problème d’alcool.

À tour de rôle, les membres qui le veulent bien prennent la parole. On peut aussi rester silencieux pendant des mois ou des années.

Dans un silence respectueux, les membres écoutent, avec une rare intensité, un membre raconter ses craintes, son expérience, ce qui lui est arrivé de merveilleux ou d’affreux, sa force et ses espoirs.

Et c’est le choc.

Qu’il reconnaisse sa vie ou non en écoutant les autres, une chose le frappe en plein front: ce sont des pros, de l’alcool, du jeu, de la coke. Ils sont ses frères de sang. ils ont tout entendu et tout vécu.

Anecdote: « Un nouveau, mort de honte, décide de prendre la parole dans un meeting A.A.. Il raconte aux membres attentifs à quel point il a bu, les quantités astronomiques d’alcool qu’il ingurgitait. Pas l’ombre d’une réaction. Il croit quand même qu’ils sont scandalisés.

Après la réunion, un vieux membre va le voir. Tu sais, dit-il, je t’écoutais tantôt. «Je pense que j’en ai plus répandu par terre que tu en as bu.»