– « Le Canard enchaîné », mercredi 11 décembre 2013, p. 8

(…) Ils en ont pris pour leur grade, les Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch, qui dégradent États et entreprises. L’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) vient de prendre à leur jeu les agences de notation en les soumettant à un audit soigné ! On les savait déjà myopes : avant la crise de 2008, elles avaient collé un triple A à plus de 5000 fonds truffés de subprimes. Vénales : elles vendent toutes sortes d’études aux sociétés qu’elles expertisent. Serviles : elles n’osent pas trop contrarier certains clients très puissants qui seraient tentés d’aller vers un concurrent plus arrangeant.

L’étude de l’AEMF charge encore leur barque, indique « Libération » (4/12). Les agences de notation manquent cruellement d’indépendance. Standard & Poor’s est une filiale d’un groupe de com’ et de médias, centres ou relais d’influence. Moody’s est coté à Wall Street. De plus, les interférences entre « notateurs » et administrateurs, chargés de la bonne marche de l’agence, ne sont pas rares. Dans un cas, indique le rapport, « les analystes en chef ont reçu des consignes de leur direction sur les pays étudiés et les notations à soumettre ». Le trio se voit aussi taxé d’amateurisme. Les équipes qui notent les États n’ont pas toujours « les connaissances et l’expérience requises ». Des « analystes juniors » y remplacent parfois les « chefs ». Enfin, ces (trop) chers auditeurs ne brillent pas par leur discrétion. Des notes fuitent avant leur publication officielle. C’est arrivé en 2011 à la France. Et ces indélicatesses nourrissent la spéculation.

Lucide, l’AEMF ? Oui, indique un expert à « Libération », d’autant que « pas mal d’anciens salariés des agences de notation » y travaillent. Certes.

Mais espérons que leur passé aux côtés de collègues myopes, fricards, serviles, dépendants, amateurs et indiscrets n’a pas trop altéré leur jugement…(…)