Trois élèves sont carrément couchés sur leur bureau, la tête dans les bras, les yeux fermés, la bouche ouverte. Trois autres sont en train de parler, de s’échanger un papier ou autre chose, sans gêne aucune et sans même vérifier de temps en temps si le prof les regarde ou non. Deux lisent un roman, un autre joue avec son cellulaire, une fille devant moi dessine. Ça fait déjà le tiers de la classe qui aurait aussi bien pu ne pas être là. En tout, nous sommes trente à être en classe. Je ne dis pas « présents », car ce serait encore un grand mot.

Et moi, je ne suis pas couché et je ne dessine jamais, mais il n’y a tout de même aucune information qui pénétre dans ma tête. Mon cerveau pèse comme du plomb derrière mes paupières, j’en oublie d’écouter. Encore. Ça m’arrive souvent ces temps-ci.

Vaguement inquiet, je fais un effort pour sortir de ma torpeur et saisir au moins où le professeur est rendu dans son discours. Je me rends compte premièrement qu’il n’a pas beaucoup avancé, deuxièmement que ce qu’il dit est d’une simplicité effarante. Par exemple que le concept de « nation » est discutable, pas facile à définir. Donc, on peut s’inspirer de la définition qu’en font certains monsieurs différents pour se construire la nôtre.

J’attrape une phrase comique : « Je sais qu’à 17 ans, on n’a pas le cerveau encore tout à fait apte à saisir des concepts abstraits comme celui-ci… » Je ris un peu. Et je me sens tellement jeune. Le moron dans les vapes qui rit tout seul au fond de la classe, c’est moi maintenant.

Je décide alors que mon état second est beaucoup plus agréable que d’écouter le prof. Je replonge en demi-sommeil.

Le cours passe comme dans du beurre. Malgré la totale inertie intellectuelle d’à peu près tout le monde, aucun heurt, on arrive même à répondre aux questions. Facile : le prof voulait connaître notre opinion.

On en apprend tous les jours.

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