Les cours d’éducation physique au cégep sont essentiels. Les parents et les professeurs s’entendent tous là-dessus. Imaginez, sans cette heure et demie par semaine de danse, de soccer ou de natation, que deviendrions-nous ?

Il existe toutefois une alternative pour la minorité qui n’aime pas les gymnases. Elle coûte 25$ de plus, mais à ce prix-là, c’est donné. C’est le cours de « randonnée pédestre ». Ce cours, tout le monde l’a choisi pour deux raisons : il est très facile, et « semi-intensif ».

Je dis facile, car on peut traduire « randonnée pédestre » comme suit : on marche. On ne court pas. On se promène dans le parc Lafontaine, pour finalement monter le joli mont Sutton.

Mais ce qu’il y a de plus beau, c’est que le mot « intensif », dans le contexte de l’éducation physique, ça ne mesure pas l’effort, mais le temps. On assume que suivre un petit cours par semaine pendant toute la session, ce n’est pas intensif. Par contre, en suivant des séances de cours plus longues et en en faisant un peu la fin de semaine, nous « concentrons » la totalité des heures de cours requises en moins de temps. Moitié moins de temps, pour être plus précis. Ainsi, sur les 13 semaines de la session, nous ne faisons que 6 semaines d’éducation physique, grâce à quelques randonnées en montagne.

Nous avons tous l’impression de tricher, c’est grisant.

On approche de la vraie intensité, mais on pourrait l’être encore plus, d’où le « semi ». Comme au cégep André-Laurendeau où en plus de marcher sur une montagne, ils y dorment. Leur nombre d’heures est donc encore plus condensé, et leur cours dure deux semaines. Eux, ils trichent vraiment.

Donc, en randonnée pédestre, il y a tout plein d’élèves qui veulent faire le minimum du programme prôné par le Ministère de l’éducation, et qui sont prêts à payer pour ça.

Et on nous a bien avertis : quand on fera notre épreuve finale au mont Sutton, nous devrons respecter le rythme de chacun, c’est-à-dire des plus faibles. Il ne faudra pas presser ceux qui sont à la queue du rang. Le but n’étant pas de performer, mais de découvrir notre corps et ses limites.

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Deuxième cours. J’avais décidé d’ignorer les règlements, et d’amener mes sacs dans le gymnase. On avait insisté dans la classe d’accueil qu’on devait utiliser nos casiers : je m’attendais à un mot. Je n’ai même pas eu l’honneur d’un regard.

« On va commencer par les présences, c’est très important. » On n’entend rien, il y a un groupe de quatre filles devant moi qui parlent sans se soucier du bonhomme en avant.

« Bon là, les filles, est-ce que vous suivez le cours ? » « Oui ! » « Il va falloir que je vous sépare. » « Mais on a juste un manuel ! », disent-elle en se déplaçant vaguement. « Ok, alors restez ensemble, mais taisez-vous. »

Résultat : plutôt que d’être juste devant moi, elles sont à 5 mètres à ma gauche.

Nous ne sommes pas allés dehors aujourd’hui. Moi qui pensais me sauver du gymnase… On est plutôt restés au chaud, et on s’est mesurés : taille, poids, tour de taille, courbure du dos au cas où on ferait une scoliose, flexibilité des épaules, et ça continue. On était en équipe de deux, c’était très sympathique. Les chiffres nous situaient la plupart du temps dans la moyenne, la joie.

Ce que j’ai appris aujourd’hui ? Qu’en calculant nos résultats aux tests de composition corporelle, on peut savoir si on est maigre, normal ou obèse. Au cas où on s’était fermés les yeux tout au long de notre secondaire. Mais qu’après tout, comme dit le bonhomme en avant, c’est juste des chiffres, et il ne faut pas capoter non plus si on est obèse. Je l’aime lui, il est doué : d’une seule parole, il balaie toutes les pressions sociales qu’on nous fait ressentir depuis le début de l’adolescence, il réduit à néant l’image véhiculée par les magazines pour femmes, panse nos plaies à l’ego et nous rend confiants de nouveau.

Vive l’éducation.

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