Nous ne sommes pas des Suédois

Lise Ravary – 21 novembre 2014garderiefinnoise

Saviez-vous que la Suède, le pays le plus social-démocrate et le plus égalitaire au monde, module les tarifs en garderie selon les revenus des parents (incluant la valeur des avantages sociaux) facturant l’équivalent de 3% du salaire, jusqu’à concurrence de 2 000$ par année ? Ceux qui n’ont pas de revenus ne  paient donc rien.

De plus, la Suède garantit une place à tous les enfants jusqu’à six ans. Et permet au privé de concurrencer le public même si c’est l’État qui ramasse le gros de la facture. Cette concurrence a permis de stabiliser les coûts du système.

Les Suédois paient très chers pour leurs programmes sociaux (vraiment) universels, mais ils ne rechignent pas. Par exemple, la nourriture est frappée d’une TVA de 12% (c’est 25% pour tout le reste) alors que les impôts aux entreprises sont parmi les plus bas en Europe, pour stimuler l’entrepreneuriat et la création d’emploi.

On ne parle pas ici d’un socialisme à la Québec solidaire.

Rien n’est parfait, mais les Suédois, règle générale, aiment leur sociale démocratie. De plus, ils sont entourés de pays aux mœurs économiques similaires, le Danemark, la Norvège et la Finlande qui tous maintiennent des taux d’imposition et de taxation élevés.

Une réforme spectaculaire

Quand la Suède a traversé une crise économique majeure au début des années 90, l’idée de réformer l’État de fond en comble, dans le but explicite de sauver le modèle suédois, s’est imposée à tous les acteurs politiques et sociaux, des associations de patrons aux syndicats de travailleurs.

Ce consensus a permis à la Suède d’abattre certaines vaches sacrées sociale démocrates coûteuses pour l’ensemble de la société comme les pensions à prestations déterminées, et même d’abolir la sécurité d’emploi dans la fonction publique dont la taille a été réduite de 25%.

Il n’y a pas de salaire minimum en Suède.

L’État a aussi ouvert la porte au privé qui livre désormais des services concurrentiels mais qui continuent néanmoins d’être payés par les impôts, notamment en santé, en éducation, dans les services de garde et même dans les transports collectifs, au nom de la liberté de choix des utilisateurs.

Le taux de syndicalisation, soit près de 80% de la population active, n’a pas empêché l’accomplissement de ces réformes.

Depuis, la Suède pète de santé économique. Là-bas, l’objectif des gouvernements n’est pas d’atteindre le déficit zéro mais de dégager un surplus budgétaire à chaque cycle économique. La productivité au beau fixe, la Suède est un joueur majeur dans l’économie globale avec des entreprises comme IKEA, Ericsson et Nokia. Elle gère bien sa dette et arrive à contrôler, même à réduire ses dépenses publiques tout en maintenant les services.

Son plus gros problème en ce moment, c’est l’intégration économique et sociale des immigrants et des réfugiés qui affluent en vertu d’une politique d’accueil très, trop diraient certains, généreuse.

Le surplace du Québec

Depuis l’avènement du Parti Québécois et de son orientation social-démocrate, le Québec se perçoit comme la Suède de l’Amérique du nord. Mais les différences sont nombreuses. Tout d’abord, nos voisins sont de confession économique libérale, ce qui impose une pression à a baisse sur le taux d’imposition. Fiscalement, nous ne pouvons sortir du troupeau sans en payer le prix.

Culturellement, nous sommes latins, en proie à l’émotion. Géographiquement, nous sommes nord-américains et fondamentalement individualistes. Les Scandinaves sont luthériens, gouvernés par la raison et culturellement collectivistes.

Nous ne sommes pas et ne serons jamais la Suède, mais il y a des enseignements à tirer des réformes des années 90. Mais tant que notre vision de la sociale démocratie, et du syndicalisme, va demeurer figée dans les années 60-70, quand les rues étaient pavées d’or et que nous étions portés par les rêves égalitaires et fraternels de l’après-guerre : assurance-maladie, démocratisation de l’éducation, féminisme, l’économie du Québec va stagner.

Mais si le monde a changé depuis, le Québec n’a jamais su examiner de fond en comble son système, ses priorités. Et quand un gouvernement ose tant soit peu remettre en question certains dogmes soixante-huitards, les syndicats et la puissante fonction publique barrent le chemin au nom des acquis.

Ici, on se bat encore, à la gauche, contre la mondialisation.

C’est bien beau le village gaulois qui résiste mais contrairement à Astérix, nous n’avons pas de potion magique pour nous sortir du pétrin.

Alors, poussés à agir par différentes crises économiques ponctuelles, nos dirigeants ont appris à louvoyer entre les obstacles, à introduire ici et là des réformes à la pièce, espérant ne pas réveiller le monstre connu sous le nom de «front commun syndical». Et en donnant à la bête du nanane compensatoire, comme les CPE offerts en contrepartie de l’atteinte du déficit zéro en 1998.

Et depuis, on pelte allègement les conséquences dans la cour du prochain gouvernement.  

Nous ne sommes pas des Suédois

Lise Ravary – 21 novembre 2014garderiefinnoise

Saviez-vous que la Suède, le pays le plus social-démocrate et le plus égalitaire au monde, module les tarifs en garderie selon les revenus des parents (incluant la valeur des avantages sociaux) facturant l’équivalent de 3% du salaire, jusqu’à concurrence de 2 000$ par année ? Ceux qui n’ont pas de revenus ne  paient donc rien.

De plus, la Suède garantit une place à tous les enfants jusqu’à six ans. Et permet au privé de concurrencer le public même si c’est l’État qui ramasse le gros de la facture. Cette concurrence a permis de stabiliser les coûts du système.

Les Suédois paient très chers pour leurs programmes sociaux (vraiment) universels, mais ils ne rechignent pas. Par exemple, la nourriture est frappée d’une TVA de 12% (c’est 25% pour tout le reste) alors que les impôts aux entreprises sont parmi les plus bas en Europe, pour stimuler l’entrepreneuriat et la création d’emploi.

On ne parle pas ici d’un socialisme à la Québec solidaire.

Rien n’est parfait, mais les Suédois, règle générale, aiment leur sociale démocratie. De plus, ils sont entourés de pays aux mœurs économiques similaires, le Danemark, la Norvège et la Finlande qui tous maintiennent des taux d’imposition et de taxation élevés.

Une réforme spectaculaire

Quand la Suède a traversé une crise économique majeure au début des années 90, l’idée de réformer l’État de fond en comble, dans le but explicite de sauver le modèle suédois, s’est imposée à tous les acteurs politiques et sociaux, des associations de patrons aux syndicats de travailleurs.

Ce consensus a permis à la Suède d’abattre certaines vaches sacrées sociale démocrates coûteuses pour l’ensemble de la société comme les pensions à prestations déterminées, et même d’abolir la sécurité d’emploi dans la fonction publique dont la taille a été réduite de 25%.

Il n’y a pas de salaire minimum en Suède.

L’État a aussi ouvert la porte au privé qui livre désormais des services concurrentiels mais qui continuent néanmoins d’être payés par les impôts, notamment en santé, en éducation, dans les services de garde et même dans les transports collectifs, au nom de la liberté de choix des utilisateurs.

Le taux de syndicalisation, soit près de 80% de la population active, n’a pas empêché l’accomplissement de ces réformes.

Depuis, la Suède pète de santé économique. Là-bas, l’objectif des gouvernements n’est pas d’atteindre le déficit zéro mais de dégager un surplus budgétaire à chaque cycle économique. La productivité au beau fixe, la Suède est un joueur majeur dans l’économie globale avec des entreprises comme IKEA, Ericsson et Nokia. Elle gère bien sa dette et arrive à contrôler, même à réduire ses dépenses publiques tout en maintenant les services.

Son plus gros problème en ce moment, c’est l’intégration économique et sociale des immigrants et des réfugiés qui affluent en vertu d’une politique d’accueil très, trop diraient certains, généreuse.

Le surplace du Québec

Depuis l’avènement du Parti Québécois et de son orientation social-démocrate, le Québec se perçoit comme la Suède de l’Amérique du nord. Mais les différences sont nombreuses. Tout d’abord, nos voisins sont de confession économique libérale, ce qui impose une pression à a baisse sur le taux d’imposition. Fiscalement, nous ne pouvons sortir du troupeau sans en payer le prix.

Culturellement, nous sommes latins, en proie à l’émotion. Géographiquement, nous sommes nord-américains et fondamentalement individualistes. Les Scandinaves sont luthériens, gouvernés par la raison et culturellement collectivistes.

Nous ne sommes pas et ne serons jamais la Suède, mais il y a des enseignements à tirer des réformes des années 90. Mais tant que notre vision de la sociale démocratie, et du syndicalisme, va demeurer figée dans les années 60-70, quand les rues étaient pavées d’or et que nous étions portés par les rêves égalitaires et fraternels de l’après-guerre : assurance-maladie, démocratisation de l’éducation, féminisme, l’économie du Québec va stagner.

Mais si le monde a changé depuis, le Québec n’a jamais su examiner de fond en comble son système, ses priorités. Et quand un gouvernement ose tant soit peu remettre en question certains dogmes soixante-huitards, les syndicats et la puissante fonction publique barrent le chemin au nom des acquis.

Ici, on se bat encore, à la gauche, contre la mondialisation.

C’est bien beau le village gaulois qui résiste mais contrairement à Astérix, nous n’avons pas de potion magique pour nous sortir du pétrin.

Alors, poussés à agir par différentes crises économiques ponctuelles, nos dirigeants ont appris à louvoyer entre les obstacles, à introduire ici et là des réformes à la pièce, espérant ne pas réveiller le monstre connu sous le nom de «front commun syndical». Et en donnant à la bête du nanane compensatoire, comme les CPE offerts en contrepartie de l’atteinte du déficit zéro en 1998.

Et depuis, on pelte allègement les conséquences dans la cour du prochain gouvernement.