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Le Devoir

Le Centre de santé et de services sociaux de la Vieille Capitale recommande d’offrir à Québec des services d’injection supervisée pour « rejoindre les usagers de drogues par injection qui ne le sont pas par les services actuels ».

Rappel de la brillante (?) prestation d’Yves Bolduc dans le dossier des centres d’injection supervisés.

Extrait de l’article:

Petite histoire de la guerre contre les drogues

Pendant ce temps au Canada

En 1988, il y avait eu 18 overdoses mortelles à Vancouver; cinq ans plus tard, 200. En 1997, le Bureau de la Santé lance l’alarme, le tiers des toxicomanes de la ville sont porteurs du VIH (90% souffrent d’hépatite C), le plus haut taux d’infection en Occident.

Inspiré par les exemples de Rotterdam et de Berne, la ville de Vancouver obtient du gouvernement libéral une exception temporaire de la loi fédérale sur les drogues et ouvre en 2003 Insite, la première clinique d’injection en Amérique du Nord. (…) Insite est appuyé par la ville, la province et la police de Vancouver. La GRC est l’exception. Fait inouï, elle commande deux recherches sur Insite. Déception! Elles sont favorables à Insite. La GRC en commande alors deux autres dont une, pour éviter les mauvaises surprises, à une organisation opposée à Insite. Cette fois, la GRC obtient les résultats attendus et les achemine à Tony Clement, ministre de la Santé du nouveau gouvernement conservateur et qui considère Insite comme une « abomination ».

Lors de la réunion annuelle de l’Association Médicale Canadienne en  2007, le ministre blâme les médecins de supporter Insite. Clement dit « que les universitaires débattent encore » de la pertinence des centres d’injections et fait allusion à de nouvelles études qui mettent en doute les recherches déjà faites. En clair, d’un côté une étude non vérifiée par des pairs universitaires et commandée par la GRC et de l’autre, une trentaine d’articles universitaires, dont les gros canons de la médecine : le New England Journal of Medicine aux États-Unis etThe Lancet en Grande-Bretagne, qui ont publié des conclusions massivement positives.

Tony Clement nomme ensuite son propre comité d’experts pour reviser la recherche. On ne peut plus se fier à personne : le comité rapporte en avril 2008 que l’expérience est positive. Malgré cela, le ministre ne veut pas renouveler l’exemption au-dela de l’été, ce qui veut dire fermer le centre. (….) 

Un mois après les grandes déceptions de Tony Clement,  le  Programme national de santé publique annonce que le Québec aura ses cliniques d’injections en 2012. À Montréal, 19 % des UDI sont porteurs du VIH, et 68 % ont contracté l’hépatite C. À Québec, 11 % des UDI ont le VIH, et 64 % l’hépatite C. Puis, changement de ministre.  Le nouveau titulaire Yves Bolduc, qui a oublié sa colonne vertébrale dans son ancien bureau, annonce en août 2008 qu’il n’y aura pas de cliniques parce qu’il n’y a pas assez de preuves scientifiques concluantes sur leur l’efficacité….

Yves Bolduc a rejeté les conclusions de revues scientifiques comme The Lancet, et les opinions de l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) et l’Ordre des infirmières du Québec. Incidemment, une majorité de Québécois (quelque 60% appuient les sites d’injection supervisée).

Il n’a consulté ni la douzaine de cliniques d’injection suisses, ni la soixantaine de cliniques dans le monde, notamment aux Pays-Bas, en Australie, à Vancouver, au Luxembourg, en Norvège et en Espagne et certaines avec vingt ans d’expérience. Même un organisme aussi prudent que l’European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction (EMCDDA) a été obligé d’avouer que  » all the key objectives of these rooms have been achieved. According to available research, the evidence suggests that the benefits of consumption rooms can outweigh the risks. » Non, Bolduc attend un rapport interne d’un Comité-conseil sur la prévention du VIH et du VHC chez ceux qui prennent des drogues. Bolduc le reçoit en mai 2009. Bolduc le lit, s’assoit aussitôt dessus et le couve nerveusement. Un an plus tard, on apprend que le rapport  recommande, noir sur blanc, l’ouverture de centres d’injections supervisés…

Alors, Bolduc se replie sur la consultation, le dernier refuge du velléitaire: avant d’ouvrir des cliniques, il faudra consulter la population, les autorités municipales, les corps de police et les centres de santé et de services sociaux, entre autres… (remarquons la saveur de « entre autres ») Bref, la semaine des quatre jeudis. En juin 2013, le gouvernement conservateur annonce sensiblement la même vaste consultation. (…)