«L’eugénisme moderne a commencé au cours de la seconde moitié du dix-neuvième siècle, inspiré de l’évolution de l’agriculture : si on peut améliorer des plantes et des races animales, on peut faire de même avec l’homme.»

Un entretien de Le Vif avec Erik Thys

Le psychogénocide, ou l’assassinat de 300.000 patients psychiatriques par les nazis

Intitulé “Psychogenocide”, le livre du psychiatre Erik Thys revient sur le génocide nazi de 300 000 malades et handicapés mentaux entre janvier 1939 et août 1941, une opération secrète qui formait l’aboutissement d’une idéologie fanatique et eugénique. Entretien.

eugénisme

Le Kiosque a publié

La folle histoire de la folie

Extrait

(…)  Des vies moins importantes que d’autres

Depuis des décennies on cherchait des liens entre l’hérédité et les maladies mentales. Sur cette question était née une nouvelle «science», l’eugénisme. Le mot vient du grec et signifie «bien né». Vers le début du 20e siècle, sous l’influence des eugénistes, des médecins et des scientifiques font le lien entre hérédité et santé publique. De là à conclure que certains individus ne devraient pas avoir d’enfant, il n’y a qu’un pas  . . . qu’ils franchissent rapidement.

On est convaincu qu’il faut faire quelque chose. La solution sera de stériliser de force les déficients et les malades mentaux.

En 1927, l’Eugenics Record Office ouvre ses portes à Cold Spring Harbor dans l’état de New York. Dans les années qui suivent, la stérilisation obligatoire est mise en place aux États-Unis. En tout, 17 États interdisent aux épileptiques de se marier. Ils sont imités par la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Japon et le Canada.

Emily Murphy, la première femme magistrat du Canada, qui à elle seule a fait interdire le cannabis au pays, proclame que les mauvais gènes constituent un danger. «Les aliénés n’ont pas de droit à la postérité». Dès 1928, l’Alberta crée une commission de l’eugénisme qui a le pouvoir d’autoriser la stérilisation des individus. De 1929 à 1972,  2822 personnes seront stérilisées.

Le film Tomorrow’s Children (1934) raconte ce chapitre noir de l’histoire du Canada. Une jeune femme désire épouser son fiancé et avoir des enfants. Mais les autorités sanitaires ont décrété que sa famille, composée de parents alcooliques et d’une fratrie handicapée, criminelle ou atteinte de problèmes mentaux, était dégénérée. La cour ordonne qu’elle se fasse stériliser afin d’éviter que ses gènes défectueux ne se propagent.

Henry F. Perkins, professeur de zoologie, a dressé l’arbre généalogique de plusieurs familles “dégénérées”, pauvres ruraux, Abénakis et Canadiens-français de l’État du Vermont. Le but: les stériliser.