Martin Luther (1483-1546)


Extraits d’un article du Kiosque : L’aventure chrétienne

« À Rome, tout s’achète »

Les plus puissantes familles de l’Italie se partagent les papes et les papes font la promotion de leur parenté.

Alexandre VI fait peindre le portrait de sa maîtresse sur le mur du Vatican et décerne à son propre fils le titre de duc, tandis qu’il négocie un mariage pour sa fille, d’une beauté célèbre, Lucrèce Borgia. Jules II, (1503 à 1513), le pape “botté” n’hésite pas à recourir à l’assassinat pour arriver à ses fins politiques. (…) Il est vrai qu’il a aussi des maîtresses et des enfants. Ça donne le ton. Bref, une corruption inégalée depuis les beaux jours de Mazorie. Le monde ordinaire ne peut s’empêcher de comparer leur pauvreté avec la richesse du clergé.

Tous les fidèles qui viennent à Rome connaissent par ouï-dire la conduite de la cour pontificale et par cœur l’adage selon lequel « À Rome, tout s’achète ». Parmi ces fidèles, un moine allemand envoyé en mission, Martin Luther. L’architecture, tout aussi superbe que coûteuse, de la Ville éternelle frappe moins son imagination que la dépravation, la corruption et la cupidité des milieux ecclésiastiques romains. C’est profondément indigné et ulcéré qu’il rentre en Allemagne.

XVIe siècle : la Réforme

Lorsque Léon X devient pape, l’Église, en dépit de toutes ses lacunes, est encore l’institution la plus puissante en Europe.

Léon est un classique des mœurs de l’Église à l’époque. Son avenir ecclésiastique a été planifié par son papa, le riche et puissant Laurent le Magnifique : tonsure à sept ans, protonotaire apostolique à huit ans, la célèbre abbaye du Mont-Cassin à 11 ans, cardinal à 13 ans. Il a quand même dû attendre l’âge de 38 ans avant d’être élu pape en 1513. Il débute son règne en flambant, par une série de grandes fêtes et réjouissances, un septième de la fortune laissée par Jules II.

Champion du mécénat d’art, il fait faire son portrait par Raphaël, lui trouve des contrats au Vatican, confie à Michel-Ange le tombeau des Médicis, rénove la basilique Saint-Pierre de Rome, bref il dépense des fortunes. Léon X a alors recours aux méthodes éprouvées de la papauté, il crée d’abord 2000 postes ecclésiastiques à combler et à vendre au plus offrant; puis, la bonne vieille spéculation sur la peur de l’au-delà: la vente d’indulgences.

En Allemagne

Même une fois confessés par un prêtre, les pénitents sont redevables envers la justice divine. Tous les chrétiens savent qu’après leur mort, ils devront passer une période de temps variable au purgatoire, où ils seront, comme le nom l’indique, purgés complètement de leurs péchés avant d’aller au ciel. Seuls les saints accèdent directement au paradis. Parmi les moyens d’expier cette peine, il y a les indulgences.

L’idée était que l’Église, les martyrs, les saints avaient accumulé un trésor d’indulgences, un genre de REER spirituel, que le pape peut vendre aux chrétiens qui veulent réduire leur temps de purgatoire.

(….) Le moine allemand qui a été scandalisé par sa visite de Rome est devenu l’honorable professeur de théologie Martin Luther (1483-1546). Il est indigné. Ce qui est un peu son état normal. Fantasque, grincheux, égocentrique et ergoteur, ce n’est pas le gars idéal pour un souper tranquille. Mais il a des idées, du caractère et des convictions.

(….) Tout dans l’idée de vouloir résoudre le problème du péché en achetant des indulgences heurte Luther.

Aujourd’hui, il écrirait une longue lettre ouverte dans le Devoir. À l’époque, on affiche ses opinions à l’église. En 1517, Luther écrit 95 Thèses pour clarifier la doctrine des indulgences et les affiche sur le portail de la cathédrale de Wittenberg. Le texte est en latin, le sujet théologique; aussi, il s’attend à une discussion songée entre théologiens. Luther ne souhaite qu’être le porte-voix de courants qui existent déjà depuis longtemps au sein de l’Église.

Mais il n’a pas tenu compte de l’imprimerie. À ce moment, un livre coûte environ une semaine de salaire d’un charpentier. Mais les pamphlets sont moins chers. Quelqu’un à Wittenberg imprime le texte de Luther. En moins de quinze jours ses thèses sont lues partout en Allemagne, en moins d’un mois dans toute l’Europe. Agitation et scandale. Luther se retrouve, sans l’avoir voulu, à la tête d’une armée de contestataires.

Estomaqué, l’archevêque Albrecht dénonce Luther à Rome. Léon X prend à la légère cette contestation d’un obscur Allemand. Il envoie tout de même un cardinal qui convoque Luther à Augsbourg en octobre 1518 pour obtenir, pure formalité pense-t-il, ses excuses embarrassées. Rome méconnaît l’adversaire et sa pugnacité. Luther refuse.

L’excommunication

Luther aggrave son cas l’année suivante; il met en cause l’autorité du pape et des conciles. En juin 1520, Rome brûle ses textes et publie la bulle “Exsurge domine” le menaçant de l’excommunication. Luther, à son tour, brûle la lettre du pape. La Réforme est commencée.