Son dernier texte
.
Tout ça pour ça

Jean Barbe – 21 novembre 2012

Vous voyez ce titre, là, en haut? Tout ça pour ça? C’est le même qui chapeaute la chronique d’Alain Dubuc dans La Presse, dans laquelle il commente le budget du gouvernement péquiste.

C’est à peu près tout ce qui me rapproche de Dubuc, ce titre. Lui, il est content. Moi? Un peu découragé, mais j’ai l’habitude.

Le budget, donc. Business as usual. Je le savais, je le savais donc!

Pendant que certains confrères chroniqueurs tentaient ici même, dans les pages du Journal, de vous faire croire que le gouvernement Marois était infesté de radicaux qui menacent le monde libre, le ministres des Finances Nicolas Marceau préparait un budget qu’aurait pu signer Raymond Bachand.

Alain Dubuc est content. André Pratte est content. Est-ce que Martineau est content? Je sais pas, on se parle plus. Et Christian Dufour, il est content aussi?

Bravo le PQ. Vous avez réussi votre coup, encore une fois. Grands parleurs, petits faiseurs.. Ça fait plus de vingt ans que vous me décevez.

Mais c’est pas grave, parce que Dubuc, Pratte, Martineau et Dufour et tous les Duhaime de ce monde vont un peu vous lâcher la grappe. Peut-être même qu’ils vont commencer à vous aimer. Enfin, aimer, c’est un bien grand mot. Peut-être qu’ils vont commencer à peut-être penser que vous êtes possiblement peut-être pas si détestablement radicaux que ça. Mais c’est pas sûr. Il faut bien qu’ils s’agitent s’ils veulent continuer à faire du vent.

Ah, ça va, je sais. Vous allez me traiter de pelleteur de nuage, de radical, de pas réaliste. Vous le savez, vous, ce qu’est la vraie vie. La VRAIE vie.

Vous (et par vous je veux dire Dubuc, Pratte, Martineau, Dufour, Duhaime, le parti libéral, la CAQ et le PQ), vous avez depuis longtemps kidnappé la vérité pour lui faire dire ce qui vous chante.

Votre vérité est une vérité captive, enfermée entre des murs bien épais dans la prison du libéralisme économique. Et vous y êtes vous aussi, comme nous y sommes tous, prisonniers d’une logique économique qui ne rend pas heureux, qui nous tord comme des éponges, qui n’a d’autres fins que la croissance et qui, en croissant, massacre la seule planète que nous sommes en mesure d’habiter.

Votre vérité est relative. Mais ça ne vous empêchera pas de la marteler comme un dogme.
Votre vérité existe parce que vous l’entretenez. Votre vérité existe parce que vous la tenez à bout de bras sur toutes les tribunes.

Mais pendant que vous parlez des vraies affaires, des millions de personnes à travers le monde manifestent leur désir d’une autre vérité. En foules compactes, en Italie, en Grèce, en Espagne, en Amérique Latine, ils affirment que votre vérité ne fonctionne pas, ne les nourrit pas. Que votre vérité confisque leur avenir.

Continuez, continuez à être «réalistes» et à discréditer tout ce qui vous remet en question. Traitez-nous de pelleteurs de nuages quand vous ne vous sentez pas menacés. Traitez nous de radicaux quand vous commencez à sentir la soupe chaude. Et ensuite ça sera quoi? Les mesures de guerre?

La démocratie dont vous vous réclamez exige qu’on tente de concilier plusieurs points de vue. Mais vous refusez de voir par nos yeux. Vous refusez de nous prendre au sérieux en nous traitant d’enfant gâtés ou de gauchistes nostalgiques. Vous ne nous accordez aucune valeur, aucune intelligence, aucune importance. Vous nous balayez du revers de la main avec un mépris que je ne vous pardonnerai jamais.

Vous me faites penser à ces prisonniers dans les camps de la mort qui acceptaient, pour un peu de viande, de faire la police auprès des leurs.

Sur les frontons des camps, il était écrit: «le travail rend libre».

La voilà, votre vérité.