Jean-Benoît Nadeau, chroniqueur (MSN)26BB8A95BEDCA8CAE73A3328ED68

La honte. C’est le sentiment que j’éprouve chaque fois que je repense aux Autochtones ou que je visite une réserve.

Peu de gens savent que l’Apartheid, en Afrique du Sud, s’inspirait de notre ancienne loi sur « l’émancipation des sauvages », première version de notre actuelle Loi sur les Indiens.

Nous vivons donc en apartheid, sauf que le Canada ne sera jamais mis au banc des nations. Question de nombre : l’Apartheid bafouait les droits de 80 % de la population sud-africaine; notre loi sur les Indiens bafoue les droits de 3 % de la population canadienne – 1 % au Québec.

Les Canadiens et les Québécois ont donc les moyens d’« oublier » les Indiens, et de jouer les étonnés quand les dominés se remettent à brasser la cage. En 1990, la crise d’Oka a suscité plusieurs tentatives de réformes qui sont venues bien près d’aboutir et qui ont échoué pour toutes sortes de raisons – sauf quelques ententes à la pièce, dont la fameuse Paix des Braves avec les Cris.

Depuis dix ans, le dossier autochtone moisit et voici qu’une jeune génération veut faire de l’air, et la polémique repart de plus belle avec toute la mauvaise foi accumulée depuis quatre siècles.

Le Kiosque a publié:

Le Printemps indien

Partout en Amérique, de La Tierra del Fuego à l’Alaska, les millions d’Indiens vivent encore sous la tutelle des Blancs.

Cinq siècles de présence blanche, les guerres, les épidémies ont laissé des cicatrices profondes : des tribus ont disparu, d’autres ont été dispersées aux quatre coins de l’Amérique, toutes ont changé. Mais les Blancs ne sont pas venus à bout de la résistance des premiers Américains. Les Indiens sont encore là. Présentée d’abord comme une bénédiction, puis comme un devoir et enfin comme un droit, l’assimilation aux Blancs est, encore aujourd’hui, rejetée par l’immense majorité des Indiens d’Amérique. Ils paient le prix fort pour ce refus : mépris, racisme, exploitation généralisée, le niveau de vie le plus bas de tous, partout en Amérique. À tous les vingt ans, on annonce leur fusion inévitable dans le monde merveilleux des Blancs. Chaque fois, il faut constater que c’est un échec; qu’on n’a réussi, au mieux, qu’à créer des ghettos indiens dans les villes blanches. Aujourd’hui, on n’ose d’ailleurs plus parler d’assimilation.

L’hiver blanc a été long, plusieurs siècles; mais déjà le continent américain bouge, la renaissance s’amorce, le printemps indien est arrivé.