LES FRANÇAIS
LES FRANÇAIS – Avez-vous noté qu’il y avait beaucoup, beaucoup, beaucoup de Français au Québec en ce moment? On les entend à la radio, à la télé, dans la rue, sont étudiants, scientifiques, journalistes, y en a un million et demi juste à La Presse, ils fuient la morosité française. Je vais dire une énormité: ils sont tous pareils ou presque, on dirait qu’ils ont été calibrés à l’aéroport avant de prendre l’avion pour venir ici. Vous savez, avec le truc pour calibrer les bagages à main au comptoir des compagnies aériennes, faut que ça fitte ou on ne les prend pas. Sont tous pareillement jeunes, gentils, discrets, intelligents. Toi, tu rentres pas, t’as une trop grande gueule; toi non plus, tu rouspètes trop. Ceux qu’on retient sont ensuite envoyés dans un camp où ils reçoivent une formation Québec-101 enrichie.
Si ce n’était de leur accent, on ne saurait pas qu’ils sont Français: ne chialent pas, ne veulent pas jouer au soccer avec un turban. Je n’en reviens pas, tous pareillement gentils et discrets.
Je suis arrivé au Québec au début des années 60. À cette époque, c’était gênant d’être français; à cette époque, c’était vraiment les plus cons qui venaient, surtout des baroudeurs au sens colonial du mot. Ils se tenaient dans les cafés de la rue de la Montagne, donnaient un ou deux cours à Berlitz, travaillaient dans les restos. Moi? Qu’est-ce que vous croyez? Je donnais des cours à Berlitz, je travaillais au restaurant de Blue Bonnets, je me tenais dans les cafés de la rue de la Montagne.
J’ai été un maudit Françâ. Les nouveaux ne le seront pas. Bienvenue, jeunes gens.