La Tyrannie de la pénitence
de Pascal BRUCKNER
Grasset, 252 p.,
Critiques
Le choc des cultures
Peut-on se dire Occidental et fier de l’être?
Antoine Robitaille, Le Devoir
Le monde entier nous hait et nous le méritons bien : telle est la conviction d’une majorité d’Européens, du moins à l’Ouest. Depuis 1945, en effet, notre continent est habité par les tourments du repentir. Ressassant ses abominations passées, les guerres incessantes, les persécutions religieuses, l’esclavage, l’impérialisme, le fascisme, le communisme, il ne voit dans sa longue histoire qu’une continuité de tueries, de pillages qui ont abouti à deux conflits mondiaux, c’est-à-dire à un suicide enthousiaste. A ce sentiment de culpabilité, toute une élite intellectuelle et politique donne ses lettres de noblesse, appointée à l’entretien du remords comme jadis les gardiens du feu.
Le livre qui dérange la bien-pensance
Dans un essai iconoclaste, La Tyrannie de la pénitence *, l’écrivain philosophe fustige la manie propre à l’Occident en général, et à la France en particulier, de se complaire dans la mauvaise conscience. Extraits exclusifs.
Parce que depuis deux siècles, la France, comme l’Amérique, se pense comme la patrie messianique par excellence, vouée à diffuser partout les valeurs de la civilisation. Etre français, c’est toujours peu ou prou se sentir investi d’une mission. «La France, disait Charles Péguy, n’est pas seulement la fille aînée de l’Eglise, elle a aussi dans le laïc une sorte de vocation parallèle singulière, elle est indéniablement une sorte de patronne et de témoin (et souvent de martyre) de la liberté dans le monde.» Valéry précisera plus tard avec ironie : «Notre particularité, à nous autres Français, c’est de nous croire universels» – mot qui fait écho à celui de Montesquieu : «Je suis homme nécessairement et ne suis français que par hasard.»