Le blogue de Joseph Facal
Respirer par le nez (extraits)
Le gouvernement Marois n’a pas encore dévoilé sa Charte des valeurs québécoises. Mais le haut des rideaux est déjà encombré d’âmes indignées et ruisselle de larmes de crocodile.
Vous pouvez tenir pour acquis que rien de ce que fera le PQ dans ce domaine ne trouvera grâce aux yeux de ceux qui ont totalement intégré, souvent sans s’en rendre compte, le disque dur du multiculturalisme à la canadienne.
Il reste que le PQ ne fait rien d’autre que ce qu’il avait promis qu’il ferait, en campagne électorale, s’il était porté au pouvoir. Personne ne peut dire que ce lapin sort de nulle part.
On reproche au PQ de faire un calcul politique en réactivant cette carte identitaire qui avait jadis si bien servi Mario Dumont.
Reprocher à une formation politique de faire un calcul politique, c’est comme reprocher à un musicien d’avoir de l’oreille.
Quand le PLQ refuse de toucher au dossier constitutionnel ou fait semblant de croire qu’il n’y a pas de problème linguistique à Montréal, vous ne pensez pas qu’il fait, lui aussi, un calcul politique ?
On nous dit qu’il n’y a pas actuellement de crise qui justifie l’initiative péquiste. Faudrait-il attendre qu’il y en ait une pour sortir les boyaux d’incendie ?
On vient d’apprendre que les deux plus importantes commissions scolaires de Montréal avaient des positions diamétralement opposées en matière d’octroi des congés pour motifs religieux à leurs employés, précisément en raison de l’absence de balises claires.
Par ailleurs, s’il n’y a pas crise, il y a indiscutablement un malaise, de plus en plus ouvertement exprimé par la majorité francophone.
Contrairement aux autres Canadiens, les Québécois de souche continuent à penser, très raisonnablement, que c’est à l’immigrant de faire le gros du chemin pour s’intégrer et que les croyances religieuses devraient s’exprimer avec retenue et discrétion.
A-t-on déjà vu, aux États-Unis ou en France, un policier coiffé d’un turban sikh ou une femme voilée dans une officine gouvernementale ? Non. Dans ces pays, quelqu’un dit-il sérieusement que la liberté religieuse y est bafouée pour autant ? Non plus.
Il y a aussi malaise chez beaucoup d’immigrants qui voient, au sein de leurs communautés, la progression de cet intégrisme religieux qu’ils avaient cru laisser derrière eux en quittant leurs pays d’origine.
Faut-il se soucier de ce que le Canada anglais dira de nous ? Pas le moins du monde. S’il fallait toujours s’assurer de lui plaire, le seul comportement acceptable des Québécois francophones à ses yeux serait d’imiter les Acadiens.
Tabletté par le gouvernement Charest, le rapport Bouchard-Taylor n’a rien réglé. Le PQ hérite donc de cinq années d’inaction libérale.
MM. Bouchard et Taylor eux-mêmes, tout en soutenant que le multiculturalisme à la canadienne ne convenait pas au Québec, avaient été incapables d’expliquer en quoi leur «interculturalisme» était différent en termes concrets.
Il faut donc agir, mais au bistouri et non à la scie à chaîne. Madame Marois et le ministre Drainville ont raison d’en appeler à la sérénité et de dire que le ton du débat sera aussi important que le fond.