Une vie au cégep #31 – La marchandisation de l’école ? Yes sir !
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Je suis en train de me rendre compte de quelque chose d’un peu insidieux.
L’école ne veut plus seulement m’éduquer. Elle veut me payer.
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J’ai choisi mon cégep actuel, je l’ai déjà dit, dans l’esprit d’en faire le moins possible. Le minimum d’effort, pour un résultat satisfaisant pour tout le monde, sauf pour moi. Jusqu’ici, ça marchait très bien. Je n’ai pas construit ma vie autour de l’école, j’ai plutôt mise celle-ci à part, comme un aspect secondaire. Je me suis mis à travailler, à aimer mon travail (mes deux emplois, en fait), et à vouloir travailler encore plus. Et l’école bouchait les trous dans mon horaire déjà à moitié chargé de travail, pas le contraire.
Mais maintenant, le cégep joue avec ce côté dévorant de moi, et me propose de travailler pour lui en plus.
Si je n’aimais pas autant ma vie, ça ferait longtemps que j’aurais fait un burn-out.
Parce que je trouvais ça niaiseux, l’école, j’étais nonchalant dans mes cours, notamment en français. On m’a alors proposé non pas de prendre moins de cours, mais d’en prendre plus, sous prétexte d’être payé au final. Le monde à l’envers. J’enseignerai à des gens qui, eux, ne trouvent pas ça facile, et ça deviendra un emploi à temps partiel, bien payé d’ailleurs. Je commence doucement, seulement deux heures par semaine parce que c’est obligé, mais par la suite, rien ne m’empêchera de monter à 4, 5, 6 heures… Sans compter le temps de préparation requis. Un bon temps partiel de plus.
Mais bon, ça se fait. Je ne refuserais pas un petit emploi de plus pour arrondir mes fins de mois. Mais là, c’est en mathématique aussi qu’on m’a approché… Pas besoin de formation pour être tuteur en méthodes quantitatives, et c’est payé au salaire minimum, mais c’est tout de même payé, et ce n’est qu’une heure à chaque fois… Ça se met bien dans une pause entre deux cours, non ?
Et voilà le problème : je ne veux pas avoir de pause entre deux cours, parce que je ne veux pas avoir deux cours dans la même journée. Je ne veux même pas en avoir tous les jours. Je voudrais en avoir 4 par semaine, ça serait parfait. Je n’aime pas l’école, vous vous en souvenez ?
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Vous pensez que je suis le seul à faire ça ? À tasser l’école le plus loin possible dans ses préoccupations ? Eh non.
La preuve ? Pour être considéré officiellement comme étudiant à temps plein, il faut prendre… 4 cours. Pas énorme : c’est mon nombre idéal de cours pour avoir le temps de faire trois emplois à temps partiel à côté. Mais si on se croit paresseux de faire ce minimum absolu de cours, on se trompe, parce qu’il y en a qui réussissent à aller au cégep à temps partiel. En comparaison, les étudiants inscrits à temps plein, dont moi, sont des fous d’école, des gens sérieux qui vont rapporter à la société.
Résultat : on a plein d’avantages sociaux. Je peux acheter mes passes d’autobus à moitié prix, la plupart de mes activités en fait à moitié prix, j’ai des rabais dans les restaurants, dans les librairies, les cinémas, pour les assurances, j’ai des retours d’impôts, et on m’admire, parce que je suis si studieux. « Wow, vous étudiez ? »
Et je gèle. « Euh, c’est-à-dire que… oui. Oui, c’est vrai, j’étudie. »