Une vie au cégep #26 – Le calme après les bombes lacrymogènes
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« Oyez, oyez ! Dans le hall d’entrée, vous avez la chance de taper sur la face de Couillard avec un soulier ! »
Je n’ai pas choisi mon cégep pour rien. Quand j’ai réalisé au secondaire que l’éducation que je recevais ne valait pas grand-chose, je me suis dit que je m’arrangerais pour être à l’école le moins possible. Je n’aurais pas pu faire un meilleur choix.
Mon cégep est militant. Il est bourré de curieux et d’indignés, qui refusent de se laisser avoir par le gouvernement, et qui font la grève à tout bout de champ pour rappeler que les étudiants existent. Les 2 et 3 avril, j’ai eu congé pour cette raison.
Mais j’avoue que je ne suis pas un « vrai ». Pas encore. Comme la majorité des jeunes de mon âge, d’ailleurs, mais ça ne m’excuse pas.
Le 3 avril dernier, j’ai été lâche. Je me suis rendu à la Place Émilie-Gamelin pour la grève. À la sortie du métro, il y a des policiers qui m’observent. J’entends une fille rugir : « Ça me donne le goût de péter ma coche maintenant ! » Je sors dehors, je vois plein de jeunes comme moi, beaucoup fument, ont des cheveux rouges, et portent des pancartes insultantes. Le camion TVA est là, et au-dessus de nos têtes, des hélicoptères vrombissent. Je suis resté 2 minutes, puis je me suis senti vaguement nauséeux. Je ne me reconnaissais pas dans cette foule rebelle et frustrée. J’ai pensé à ma grand-mère qui habite dans le coin. Je l’ai appelée, et je suis allé prendre un thé avec elle. J’ai passé un superbe après-midi.
Vers 17h, j’entends à la radio que la grève est toujours en cours, qu’elle est déclarée illégale, et que des bombes lacrymogènes ont été lancées. J’ai apprécié mon thé encore plus.
Le 7 avril, j’ai encore eu des vacances pour les élections. Malgré tous nos efforts, les libéraux ont remporté, et à l’école pas grand-monde n’était content. Certains élèves ont offert des souliers pour taper sur le capitalisme dans le hall d’entrée. Puis, nous avons tous repris nos cours.
Les milliers de manifestants contre l’austérité hantent-ils encore les pensées de Couillard et des libéraux (s’ils l’ont déjà hanté) ? On verra. Moi, c’est le doute qui me hante.