Je ne comprends plus les élèves qui s’inquiètent encore de leurs notes. J’avoue que si je coulais un cours à 40%, je me poserais quelques questions. Mais quand j’ai 100% (ce qui arrive plutôt souvent depuis que je suis au cégep), je suis loin d’être extatique. Au contraire. Je me demande surtout où est la bibitte, et à quoi les profs pensent.

Un petit exemple, tiré de mon cours d’anglais, alias Arts Plastiques. Ce cours, disons, « amusant », ne dure jamais plus qu’une heure et demie alors qu’il devrait durer trois heures. On s’y épanouit en parlant avec nos camarades bilingues et en lisant des romans américains divertissants, mais dans la vie, il faut aussi des notes. Le prof le sait, et il a décidé de s’amuser à son tour en nous faisant faire des présentations orales en équipes, sous forme de kiosques d’informations, sur les habitudes énervantes des humains autour de nous. Une autre période à moitié libre à regarder du théâtre étudiant, pour lui autant que pour nous.

L’oral devait durer 5 minutes. Divisées en 4 personnes, cela fait une minute et quart chacun. Une fois que mes camarades bilingues et moi avons réalisé cette formule, nous avons déterminé le niveau d’effort à fournir : minimal.

Nous avons quand même profité de nos ressources, c’est-à-dire du temps que nous avait généreusement accordé le prof en classe. Trois périodes avant cet examen, il nous avait donné droit à une bonne heure de préparation en équipe. Nous en avons pris vingt minutes, pour créer un PowerPoint minimaliste avec des images sympathiques et pour nous séparer les tâches. Nous prévoyions nous rencontrer quinze minutes avant la présentation, mais nous avons oublié.

Nous arrivons donc au cours, légèrement nerveux, mais de bonne humeur parce qu’on est amis. La présentation PowerPoint est sur une clé USB, notre minute de discours est à peu près structurée dans la tête de chacun, tout devrait bien aller. Juste pour se rassurer, nous lisons la feuille de consignes et de critères à respecter avec leur pondération.

Oups. « You have to print a paper version of your PowerPoint presentation before the class.  No last-minute printing during the break. » Pour 20% de la note. On part avec 80 %, pour une niaiserie. Caucus. Enfin, un de nous a une idée de génie.

« Je vais dire que je vais remplir ma bouteille d’eau, et je pars à la bibliothèque avec la clé USB pour l’imprimer. »

Je suis admiratif. Il prend ma bouteille d’eau, demande innocemment au professeur qui regardait les oraux, assis au bureau juste à côté de nous, s’il peut aller la remplir. Le prof le regarde à peine, grogne que oui. Mon ami part, triomphant.

20 minutes plus tard, il réapparaît, la bouteille toujours vide, mais le PowerPoint sous son chandail. Il avait manqué des présentations touchantes d’implication : une équipe avait fait une recherche historique sur l’habitude de cracher dans la rue, une autre avait écrit à l’avance un texte hilarant qu’elle a récité mot pour mot comme en théâtre, un gars qui avait décidé de faire son oral tout seul avait préparé 15 minutes de contenu…

Mon ami tout sourire se rassoit, tourne le dos au prof, sort les feuilles de sous son chandail et pousse un soupir de soulagement, ni vu ni connu.

C’est notre tour. On remet les feuilles au prof. On branche la clé USB. On commence. Mon ami génial oublie quelques points, il parle 30 secondes. Mon autre amie devient rouge comme une tomate et gesticule à l’extrême. La dernière est plutôt douée, elle est nerveuse mais ça ne paraît pas. Moi, j’improvise. J’essaie d’être drôle, mais ça ne lève pas, personne ne m’écoute.

C’est terminé. Tout ça pour ça. Le prof a l’air satisfait.

« Very earth-to-earth, good advices. I like it. »

Une semaine plus tard, on reçoit notre résultat par Internet. Un beau 100% tout rond. Yippi yé yé.

Est-ce que nous méritions cette note ? Plus que les autres qui se sont préparés, avaient dépassé leur temps, avaient fait des recherches ? Si oui… eh bien, je me suis toujours trompé sur le but de l’école. Et il y en a beaucoup qui se trompent encore.

 

P. S. J’ai rédigé cette chronique au complet pendant un cours de français, en toute tranquillité. De temps en temps, je relevais la tête pour attraper une règle de grammaire, mais comme j’avais fait mes devoirs avant le cours, je les connaissais déjà, et je n’ai pas manqué grand-chose.

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