Le salaire du député «administrateur»
Le Comité consultatif indépendant mandaté par l’Assemblée nationale pour étudier les conditions de travail des députés et leur régime de retraite a soumis ses conclusions le 29 novembre.
Pour évaluer ses recommandations, il faudra évidemment se taper son volumineux rapport (http://http://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/communiques/CommuniquePresse-2737.http://www.assnat.qc.cahtml). Mais, déjà, sur la base du communiqué et des (rares) commentaires émis par les députés et les observateurs, on peut avancer quelques observations préliminaires.
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Tous ces comités et d’autres réformateurs ont cherché la formule magique qui permettrait une augmentation automatique de l’indemnité et dispenserait les députés de le faire eux-mêmes. On a successivement attaché le sort des parlementaires à « l’évolution des salaires hebdomadaires au Canada » (1974), à « l’évolution de l’indice des prix à la consommation du Canada » (1982), à « la moyenne de l’échelle de traitement de la classe 4 des cadres supérieurs » (1987) et à celle « des échelles de traitement des cadres supérieurs » (2000). Peine perdue ! Avec une régularité « astronomique » (tous les 13 ans), il a fallu remettre l’ouvrage sur le métier et réunir des sages pour trouver autre chose. Faut-il comprendre que les salaires du monde ordinaire, ceux des plus petits cadres supérieurs (classe IV) et même ceux des plus grands n’ont pas évolué à un rythme « satisfaisant » ?
Le dernier comité suggère donc de s’accrocher à plus gros, soit à la catégorie des dirigeants et des membres d’un organisme ou d’une entreprise du gouvernement, ce qui donnerait au député une indemnité annuelle de base de 136 010 $, indemnité qui serait majorée chaque année du pourcentage de la hausse salariale consentie à cette catégorie.
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On verra à la lecture comment le Comité en est venu à justifier ce niveau salarial mais on comprend qu’il s’est appuyé sur « une évaluation objective de la fonction de député par le Groupe Hay ». Cette firme internationale existe depuis 1943 et se spécialise dans l’évaluation des dirigeants d’entreprise (http://www.haygroup.com/fr/). Les comités précédents n’avaient pensé à ça, peut-être justement parce qu’il leur paraissait incongru d’associer la fonction de député à celle de dirigeant d’entreprise. Je me souviens qu’un député des années 1970 se définissait comme un « administrateur d’une portion de territoire » (ou quelque chose d’approchant) ; plus tard, un parlementaire cherchant à « revaloriser » la fonction avait suggéré que des députés soient nommés au sein de conseils d’administration d’organismes gouvernementaux et de sociétés d’État. Ce genre de conception, heureusement peu répandu, ne nous aidait pas particulièrement à passer le message officiel qui consistait à « distinguer le parlement du gouvernement » (ou de l’administration).
Est-ce que la charge de travail serait plus lourde aujourd’hui ? D’après un membre du comité, cité par Radio-Canada (http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2013/11/29/002-salaire-deputes-recommandations-comite.shtml), « les députés ont déclaré… et on peut les croire… qu’ils font entre 60 et 75 heures par semaine ». C’est bien possible, car ils disaient la même chose il y a 25 ans : « En réponse à un questionnaire du Comité d’étude extra-parlementaire sur la rémunération et allocation de dépenses des membres de l’Assemblée nationale (1987), les députés ont affirmé travailler de 70 à 80 heures par semaine durant les sessions et de 50 à 70 heures entre les sessions » (Le député québécois, Québec, Publications du Québec, 1995, p. 54). Minimum entre 50 et 70, maximum entre 70 et 80, ça donne en moyenne entre 60 et 75. Et un député peut trouver le temps de pratiquer la médecine?
Les médias ont enfin rapporté que ces « réaménagements » se feraient « à coût nul pour les contribuables ». Tiens, donc, c’est semblable à ce qu’on disait lors de la réforme de 1982 : le salaire augmente mais le régime de retraite sera moins généreux. Trente ans plus tard, le régime est encore, selon un membre du comité, de type « Ferrari ». Faut-il comprendre que les promesses n’ont pas été tenues ?