En France, ce qui pollue la conversation, c’est la terreur presque obsessionnelle pour la faute.
Jean-Benoît Nadeau, MSN.
« Pire qu’un crime, c’est une faute », disait le ministre Fouché à propos d’une erreur politique de Napoléon. Les Français vont tout tenter pour ne pas être pris en faute, même quand ils sont clairement fautifs. Particulièrement quand la faute est banale – et c’est ce qu’il y a de plus bizarre.
Cela amène des dialogues totalement surréalistes, comme celui-ci à l’épicerie.
La faute de la margarine
La scène se passe quelques jours après notre arrivée. Je suis au supermarché, qui porte le nom très français de Carrefour Market. Sur ma liste, les produits de base, dont la margarine. Que je ne trouve pas. Alors je me tourne vers une employée dans une allée.
« Ça n’existe pas, dit-elle.
— La margarine? J’en ai déjà achetée. C’est comme du beurre, mais ce n’est pas du beurre, c’est fait avec de l’huile végétale.
— Alors avec les huiles…
— Non, c’est réfrigéré et c’est solide.
— Alors c’est du beurre.
— Non, puisque ce n’est pas un produit laitier. »
Elle m’amène tout de même au rayon du beurre. Elle me montre le beurre, mais je regarde ailleurs et je tombe sur un contenant jaune qui parle d’oméga 3, mais où le mot margarine ne figure pas (ni beurre, d’ailleurs). Je regarde les ingrédients, c’est bien de la margarine.
Et là, l’employée me dit :
« Eh bien, vous voyez : la voilà, la margarine! »
Ce serait beaucoup plus simple si elle m’avait dit la seule chose à dire : « Je ne sais pas ». Mais non, elle ne pouvait pas ne pas savoir. Et devant la preuve de l’existence de la margarine et devant l’évidence que la margarine n’est pas du beurre, elle a fait une pirouette pour me démontrer qu’elle savait.