Pendant 9 mois, Benjamin Carle a décidé de vivre en made in France. Il résulte de cette expérience un documentaire
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Benjamin Carle. – A 26 ans, j’appartiens à une génération qui n’a connu que la mondialisation. Récemment, le Made in France est devenu un élément du langage politique et médiatique récurrent. Pourtant, personne ne sait exactement ce que l’on fabrique encore dans l’Hexagone. J’ai donc eu envie de me lancer un défi pour répondre en pratique à cette question : peut-on vivre aujourd’hui en consommant 100 % français ? Cette expérience est un prétexte pour faire un état des lieux de l’industrie française, et mettre en évidence les impacts de notre consommation sur nos emplois.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?

Je pensais qu’au bout de quelques mois tous mes objets auraient été remplacés, et qu’il s’agirait de vivre au quotidien avec d’autres vêtements, équipements, et choix culturels. Mais, en fait, j’ai passé mon temps à chercher des produits français de remplacement, regarder les étiquettes, appeler les services consommateurs quand ce n’était pas clair. C’était un travail à temps plein !

Il faut aussi de l’argent car cela ne semble pas possible de vivre 100 % français avec un salaire de 1 800 euros ?
J’ai en effet été obligé de contracter un prêt. Parce qu’il me fallait tout racheter puisque j’avais jeté ce qui n’était pas français. Au quotidien, je pense que c’est faisable. Mais il faut accepter de ne pas refaire son vestiaire tous les trois mois et apprendre à cuisiner !

Votre petite amie, qui ne participe pas à l’expérience, ne valide pas tous vos choix. Comme lorsque vous achetez un parapluie à … 140 euros ! Anaïs n’était pas volontaire pour cette expérience et ne devait pas apparaître. Mais elle est une victime collatérale. Dans le film, elle met en évidence ce que je ne trouve pas, comme un réfrigérateur de fabrication tricolore, et menace de partir habiter ailleurs, lassée de mettre les aliments sur les rebords de la fenêtre. Non sans humour, elle montre aussi combien il est absurde d’acheter un parapluie à 140 euros. Moi, je ne voyais que le côté indispensable !

Qu’est-ce qu’un produit Made in France ?

C’est un produit dont 50 % de la valeur ajoutée est française. On peut critiquer le fait que certains produits ou vêtements soient étiquetés comme tels parce qu’ils sont simplement assemblés dans l’Hexagone. Moi, je trouve que c’est une bonne nouvelle qu’ils soient encore assemblés ici… !

Ce documentaire est-il un film citoyen ?

Il invite les gens à être responsables de ce qu’ils consomment. Si on ne veut pas de plans sociaux, il faut acheter les produits que fabriquent nos usines. On ne peut pas réserver le Made in France aux produits traditionnels, de luxe ou de l’artisanat. C’est la responsabilité de chacun. Il faut que nous fassions attention à ne pas devenir les idiots de la mondialisation. Moi, je suis fier d’avoir passé une année à ne pas détruire les emplois en France ou à donner du boulot à mes voisins. Donc oui, c’est un film politique.

Qu’est-ce que vous regrettez de n’avoir pas pu garder au montage ?

Au bout de neuf mois, nous avions 200 heures d’images que nous avons mis quinze jours à dé-rusher et quarante-cinq jours à monter. On ne sait pas que j’ai regardé tous les films de Pierre Richard ou découvert Jacno.

Qu’est-ce que vous avez été particulièrement content de retrouver ?

Mon jean, le cinéma étranger, et David Bowie !

Quelles habitudes allez-vous conserver ? Ecouter Michel Sardou sous la douche ?

Je vais vous décevoir, je n’écouterai probablement plus Michel Sardou ! Je ne mettrai plus non plus les pieds chez Zara ou H&M : je ferai désormais l’effort d’acheter des vêtements français. Même si un pantalon me coûte 100 euros, c’est juste trois fois le prix de fabrication. Ce qui n’est pas normal, c’est de payer un jean quinze ou vingt fois plus que son coût. Je vais aussi rester locavore en achetant fruits et légumes à une association de mon quartier. Je vais également conserver un certain art de vivre : j’ai eu plaisir à boire une Suze en bavardant avec les gens d’un bar de mon quartier !
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