Pardonnez notre susceptibilité…
Judith Lussier
(…) Évidemment, entre «les regards insistants des hommes» dont parle Jean-François Mercier et le viol, il y a un océan de différence. Pourtant, le corolaire est le même : si les femmes subissent le regard insistant des hommes, c’est qu’elles ont couru après. Jamais il n’est présumé qu’une femme puisse désirer être sexy pour son propre plaisir, pour celui d’une personne autre que celle qui la regarde en bavant, pour être confortable, pour éviter d’avoir chaud. Cette présomption ne s’arrête pas à la discothèque. Elle suit les femmes au gym, à l’épicerie, sur la piste cyclable, partout où le fait de porter une camisole ou un short (ou même quelque chose de zéro sexy) fait d’elles des biens de consommation parce que si elles s’habillent de la sorte, c’est qu’elles veulent être dévorées du regard. C’est quelque chose de continuel et fatigant, que peu d’hommes vivent en faisant leur jogging torse nu, en se déhanchant dans une discothèque, ou un mangeant un cornet de crème glacée. (…)
Pardonnez notre susceptibilité. Pardonnez-nous d’être aussi fatigantes. C’est juste que les femmes continuent, jour après jour, d’être harcelées sexuellement, agressées, violées. Donc non, on trouve pas ça drôle qu’un lien soit fait si facilement entre notre inconfort d’être dévorées du regard et une boule de crème glacée quelque part dans un pays du tiers monde.