Le tranchage de la morue sur la grave. Source : Musée de la Gaspésie, Collection Marcel Lamoureux.
Le tranchage de la morue sur la grave. Source : Musée de la Gaspésie, Collection Marcel Lamoureux.

Véronique Dupuis, Géographe, HistoireEngagée

Rivière-au-Renard, septembre 1909. Le soleil se lève sur ce village gaspésien bâti à coups de lignes, de rames et de barges. Un matin tranquille aux effluves salins, le premier depuis quelques jours. Ici, les pêcheurs réclament un juste prix pour leur morue et la fin de leur endettement perpétuel. Partout en Gaspésie, la pêche est menée par des compagnies étrangères avec en tête la Charles Robin, Collas and Co. Depuis plusieurs jours, la Révolte des pêcheurs est bel et bien entamée, après 200 ans d’exploitation aux bénéfices essentiellement jersiais. Une centaine d’années plus tard, qu’en est-il de la situation des pêcheurs professionnels ? Retour sur une vague de fond d’une Gaspésie insoumise qui jeta les bases des coopératives et associations de pêcheurs du Québec maritime.

 

Le Kiosque a publié:

Les Robin: exploiter les Gaspésiens jusqu’à la dernière morue

René Lévesque écrivait en 1947 :

(….) Ils (les Robin) étaient actifs et sans scrupules. Ils inventèrent un avantageux système de troc et une comptabilité encore plus avantageuse ; et, jusqu’à ces dernières années, ils parvinrent ainsi à garder sous leur coupe, dans un véritable servage, des générations entières de pêcheurs, hommes simples pour qui les chiffres étaient une magie noire d’où ne sortaient jamais rien que des dettes. »

La compagnie Robin a été l’une des plus rapaces de l’histoire du Canada. Fondée après la conquête anglaise par le Britannique Charles Robin, l’empereur de la morue, elle a exploité les pêcheurs gaspésiens pendant deux siècles tout en étendant ses tentacules en Grande-Bretagne, en Méditerranée, dans les Antilles et même en Amérique du Sud. Il faudra un siècle pour la briser, un autre siècle pour l’abattre. À ce moment il sera trop tard.