Pierre Dubuc défend l’héritage militant des années 1960-1970 et varlope l’ex-présidente de la Commission jeunesse du Parti libéral maintenant chroniqueuse au Devoir.
« En se disant « nègres blancs », les militants des années 1970 auraient voulu affirmer que le plus scandaleux dans la condition québécoise était d’être des Blancs (et rien que des Blancs) qui se voient traités comme des « Nègres ». […]
La lutte des Noirs : une source d’inspiration
L’approche d’Émilie Nicolas est totalement ahistorique. Au début des années 1960, les conditions des ouvriers québécois s’apparentaient à celles des Noirs américains. Onze années d’école pour les hommes noirs contre dix pour les Canadiens français, le salaire moyen des premiers représentant 54 % de celui des Blancs et celui des seconds à peine 52 % de celui des hommes anglophones, bilingues ou unilingues. La stratification sociale était si peu développée que l’expression « nation prolétaire » pouvait avoir un sens. L’utilisation de l’expression « nègres blancs » et le poème de Michèle Lalonde n’était que l’envers, dans un effet miroir, du discours de l’oppresseur anglophone et de son arrogant Speak White.
C’est insulter la mémoire des militants indépendantistes de l’époque que de laisser croire qu’ils utilisaient ces expressions pour affirmer leur « blanchitude ». Au contraire, elles témoignaient plutôt de notre désir de s’identifier à la lutte des Noirs, dont la télévision nous présentait des images de leur extraordinaire courage devant les matraques, les chiens, les jets d’eau et les balles de la Garde nationale américaine.
C’est dans le même esprit que le mouvement étudiant francophone et les indépendantistes ont apporté leur soutien aux étudiants noirs anglophones de Sir George Williams dans leur lutte contre le racisme de leurs professeurs, alors que les associations étudiantes anglophones les abandonnaient et que des anglophones scandaient Burn, Niggers, Burn et Let the Niggers Burn, lorsqu’un incendie s’est déclenché dans leurs locaux à la suite d’une intervention policière. C’est ce soutien que tait sciemment Émilie Nicolas dans son article publié dans Le Devoir (9 février 2019) consacré à l’Affaire Sir George Williams.
La négation de la nation québécoise
Dans la revue Liberté, Émilie Nicolas pose la question : « Lorsqu’on se disait nègres blancs, aspirait-on à abolir les inégalités raciales, ou à reprendre la place qui revenait de “droit” aux héritiers de la grande civilisation française ? Cherchait-on à mettre fin à l’exploitation économique, ou à devenir un peuple patron ? »
La suite de l’article montre que l’ex-présidente de la Commission jeunesse du Parti libéral a choisi son camp : la classe ouvrière francophone et la nation québécoise n’existent pas à ses yeux. Dans un article, paru sous le titre « Les métropoles, sociétés distinctes » (Le Devoir, 18 avril 2019), elle déplore que « les grandes villes ne sont dans la Constitution que des “créatures des provinces” » et propose que, dans le cadre de négociations constitutionnelles à venir, elles revendiquent le statut de « société distincte », court-circuitant ainsi la division fondamentale des pouvoirs inscrite dans la Constitution canadienne, niant ainsi l’existence de la nation québécoise, pour le plus grand bonheur des partitionnistes anglo-saxons et des néolibéraux. »