9639dbb7-6b23-44ac-bd58-ade259c15679_ORIGINALLise Ravary

Journal de Montréal

Auto-décapitée de sa haute direction, sa gouvernance affaiblie par des trous béants dans son conseil d’administration, sa réputation de bon citoyen corporatif ternie, la poule aux œufs d’or du Québec serait-elle en burn out ? Tout cela sur un fond de changements fondamentaux dans le marché de l’énergie et de gouvernements qui successivement, demandent à Hydro-Québec d’être tout pour le tout le monde, y compris la vache à lait de l’État.

Ses propriétaires, vous et moi, ne la comprennent plus.

Passé glorieux, avenir incertain

L’Hydro, comme on l’appelait naguère-jadis, a symbolisé les plus grands rêves des Québécois : l’autonomie, le contrôle des richesses naturelles et le développement d’expertises en ingénierie et en technologies de pointe. À ces chapitres, nul doute qu’Hydro-Québec a livré la marchandise. Tout en fournissant aux Québécois une énergie peu chère qui a non seulement chauffé et éclairé les chaumières d’ici mais aussi mis du tigre dans le développement industriel au Québec.

Quiconque visite les grands ouvrages d’Hydro-Québec à la Baie James ne peut s’empêcher de frissonner de fierté devant ces réalisations aussi gigantesques qu’improbables. On en ressort avec la certitude qu’un peuple qui a pu faire «ça» peut faire n’importe quoi.

Demandez à un Ontarien ce qu’il pense d’Hydro Ontario – bien peu de choses à part que les tarifs sont trop élevés – et vous verrez que le lien entre les Québécois et Hydro-Québec est tout d’abord d’ordre affectif.

Et quand les choses allaient mal, Hydro Québec était là, rassurante, solide sur ses pattes, même quand les pylônes s’écroulaient comme des châteaux de cartes. La visibilité de l’ex-PDG André Caillé en col roulé, ainsi que la disponibilité du porte-parole Steve Flanagan pendant la crise du verglas envoyaient à tous le message qu’Hydro Québec avait les choses bien en main. Qu’on pouvait s’y fier. Que ses monteurs de lignes étaient des héros dont nous pouvions êtres fiers.

 

Peut-être que cela nous a empêché de voir les dérives croissantes. Nous l’avons laissé devenir un état dans l’État sans trop poser de questions. Et voilà qu’aujourd’hui, nous nous étonnons de son arrogance et de son manque de transparence. Et de la démission en catastrophe de trois des membres de sa haute direction, sans explications crédibles, y compris le président Thierry Vandal.

Malgré cela, les 20 000 travailleurs d’Hydro-Québec continuent d’offrir des services exceptionnels à la population. Il faut le souligner.

Grosse commande

Qui doit-on blâmer pour cette déconfiture ?

D’abord et avant tout, les maîtres politiques d’Hydro-Québec qui lui demandent de soutenir le développement régional en produisant de l’électricité à perte, de développer le nucléaire et ensuite de mettre la hache dans le nucléaire, de faire du développement durable, de commanditer des festivals, d’exploiter et d’entretenir le plus grand parc hydroélectrique au monde, d’exporter de l’énergie, de soutenir la grande industrie énergivore, de faire concurrence à Gaz Métro – une bataille que Gaz Métro est en train de gagner, écrivait Michel Morin en décembre –, de jouer gentil-gentil avec ses voisins, de gérer des relations complexes avec les nations autochtones, de créer des emplois, de développer des produits éco énergétiques dont un réseau de bornes routières pour le chargement des autos électriques en plus de participer à l’électrification des transports en général, et surtout, surtout, de verser des dividendes de plus en plus élevées à un État de plus en plus avide de redevances.

 

Tout en demeurant à la merci de commandes politiques qui parfois, souvent même, vont à l’encontre de ce que les Québécois perçoivent comme étant le mandat premier d’Hydro-Québec, soit de fournir de l’électricité à coût raisonnable – le bloc patrimonial – à la population et concurrentiel pour les entreprises, le fameux tarif L.

Le dossier des éoliennes en service commandé qui produisent de l’électricité à perte, perte compensée par des hausses de tarifs, illustre parfaitement cette contradiction.

On ne peut oublier que le gouvernement Couillard a permis à Hydro-Québec de garder pour elle les trop-perçus, soit 1,3 milliards $ au cours des six dernières années, dont 280 millions $ en 2013, au lieu de diminuer la facture des consommateurs.

Une attitude négative

Qui plus est. aujourd’hui quand les choses tournent court, Hydro-Québec affiche une attitude méprisante et hautaine. Que l’on soit pour ou contre les compteurs intelligents, et je suis pour, on ne peut nier que ce dossier a été mené à la va-comme-je-te-pousse, Hydro-Québec accusant presque ses clients de mentir au sujet de leur consommation d’électricité.

 

La liste des dossiers chauds chez Hydro-Québec est bien garnie, outre les compteurs intelligents: débranchements en nombre record, contrats secrets avec des alumineries, la centrale au gaz de Bécancour qui, à ce jour, a coûté plus d’un milliard à Hydro-Québec pour garder fermée cette installation appartenant à TransCanada Énergie, des hausses de tarifs au-delà du coût de la vie, le développement de petites centrales dont nous n’avons pas besoin, des dons controversés à de prestigieux collèges privés, tolérance de comportements syndicaux inappropriés sur des chantiers de la Côte-nord, projets de lignes à haute tension dans des endroits de beauté naturelle comme St-Adolphe d’Howard, le fiasco des hydroliennes, la catastrophe de l’achat d’Énergie Nouveau Brunswick, des pylônes faits en Inde, etc.

N’en jetez plus, la cour à scrap d’Hydro-Québec est pleine. Et c’est bien triste.

Le nouveau PDG aura fort à faire pour permettre à Hydro Québec de redevenir l’enfant chéri des Québécois pour qui la machine à rêves, le plus beau monument au savoir-faire québécois, s’est transformé en vulgaire patente à taxer les citoyens par la porte d’en-arrière.

Le gouvernement doit choisir : Hydro-Québec sera-t-elle une entreprise autonome, gérée sans interférence de l’État, avec des objectifs précis, ou le bras énergétique du gouvernement et soumis à tous ses caprices ?

Impossible d’être les deux à la fois tout en respectant sa clientèle. Et ses propriétaires….