Ce qu’on n’explique jamais sur l’aide internationale
L’aide liée : donner pour recevoir
Depuis des décennies, le Canada donne d’une main aux pays en voie développement pour prendre de l’autre. C’est ce qu’on appelle l’« aide liée », une pratique qui oblige un pays receveur à réinvestir jusqu’aux trois quarts de l’aide canadienne qu’il reçoit en biens et services canadiens.
Actuellement, 40 % de l’enveloppe de 1,5 milliard de dollars consacrée à l’aide canadienne est dite « liée ». En 2007, le Canada avait le pourcentage le plus élevé d’aide liée par rapport à l’aide totale parmi tous les pays donateurs.
L’aide liée présente de grands avantages pour le Canada. Chaque dollar prêté lui rapporte plus de 0,70 $ grâce aux intérêts, à l’obtention de contrats internationaux et à la vente de matériel et d’équipement. L’aide liée vise aussi à maintenir le support de la population à l’aide internationale et à lui donner davantage de visibilité. Elle permet d’augmenter les budgets d’aide à faible coût, pour atteindre les objectifs d’aide fixés par l’ONU.
L’aide liée, en réalité, profite uniquement aux pays donateurs. Elle entraîne des coûts de 25 % à 30 % plus élevés pour les pays en développement, d’après le Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI), qui représente une centaine d’organismes. L’aide liée limite le pouvoir des pays récipiendaires à mettre en œuvre leur propre stratégie de développement. De plus, ils sont forcés d’acheter dans un marché captif, ce qui fait obstacle à une saine concurrence et empêche de réaliser des achats optimaux.
Toutefois, au Canada, la proportion « liée » de l’aide internationale diminue progressivement. De 100 % en 1975-1976, elle est passée à 80 % en 1985-1986, puis à 47 % en 2003-2004, pour atteindre 40 % aujourd’hui. En octobre dernier, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il mettrait fin à l’aide liée progressivement d’ici à 2012-2013. Il aura fallu bien des pressions nationales et internationales pour que le Canada consente enfin à lâcher le morceau.
Josiane Roulez