Régulièrement dans le monde politique ou médiatique, on évoque la chasse aux sorcières aux quatre vents. Si cette locution n’est pas toujours mal utilisée (Le Robert parle de « poursuite systématique d’opposants politiques, des procommunistes par le sénateur américain McCarthy ; persécution organisée ».) Il n’est pas mauvais de remonter le temps pour en connaître l’histoire. C’est ce qu’a fait pour nous la journaliste Camille Rouzier. Mais avant, quelques exemples facilement trouvés dans les médias…

Le Parti québécois et sa chef, Pauline Marois, se sont lancés «dans un dérapage, une chasse aux sorcières», en mettant en doute l’intégrité de l’ancien patron de la Caisse de dépôt et placement, Henri-Paul Rousseau. (Raymond Bachand)  (La Presse, 23 avril 2009)

Vérification des antécédents judiciaires dans le milieu scolaire. Attention à la chasse aux sorcières, craint la CSQ (Communiqué, 12 mai 2005)

LE MAIRE [Régis Labeaume] DÉCLENCHE UNE CHASSE AUX SORCIÈRES

La Fédération des chambres de commerce juge toutefois inadmissible la chasse aux sorcières qui semble avoir cours à l’Assemblée nationale et dans d’autres milieux, sous le couvert des préoccupations éthiques. (5 mai 2009)

La DPJ et la chasse aux sorcières contre les mères (Sisyphe, 13 juin 2006)

« Plus tôt en matinée, le président de la FTQ a décidé de passer à l’offensive pour défendre sa centrale, qui est attaquée de toutes parts. Selon lui, la multiplication sur la place publique (….), des cas d’intimidation, de taxage, de plaintes pour discrimination sont le fait d’une certaine chasse aux sorcières à laquelle la CSN n’est pas étrangère. » (13 mars 2010)

La vraie chasse aux sorcières

Camille Rouzier

Entre 1300 et 1700, les Européens chassent et brûlent des milliers de femmes accusées de comploter avec le diable, de jeter des sorts et des maléfices. La crainte de la sexualité incarnée par la femme explique pourquoi la majorité des victimes sont de jeunes femmes comme Jeanne d’Arc, brûlée en 1431. La misère de l’époque, les croyances populaires, l’omniprésence de la religion et l’influence de l’Église favorisent la création d’un climat où la peur, la méfiance et les superstitions prédominent. Dans certains cas, la consommation de pain pouvait donner lieu à des hallucinations dues à l’acide lysergique contenu dans l’ergot de seigle. Cette substance se retrouve également dans le LSD, une drogue hallucinogène.

Un livre, le Malleus Maleficarum, est publié en 1487 et guide les inquisiteurs chargés de faire la guerre aux nombreux adversaires de la religion. Les sorcières, alliées de Satan, sont dans la mire. Le livre met de l’ordre dans la frénésie qui s’empare de l’Europe depuis un siècle. On y explique comment reconnaître les sorcières grâce à une procédure de questions. La torture est permise et pousse à la délation, des centaines de noms sont évoqués au hasard pour mettre fin aux souffrances et alléger les sentences. Au nom de la lutte contre l’hérésie, l’Europe se transforme en un ardent bûcher.

La chasse aux sorcières dépasse les frontières de l’Europe. L’une des plus célèbres, connue sous le nom des Sorcières de Salem, a lieu aux États-Unis en 1692. Parmi des centaines de personnes emprisonnées puis relâchées, 19 sont accusées et tuées. De 1400 à 1700, l’Europe a brûlé entre un demi-million et deux millions de sorcières. À partir de 1700, la science et les lois font reculer les frontières de l’ignorance. L’Angleterre brûle la dernière sorcière en 1712, l’Allemagne en 1775, l’Espagne en 1781.

Pour en savoir plus…

Les sorcières et l’Inquisition
Excellent documentaire (3 parties) en français.
(Les deux autres parties en bas de l’écran)

Dans le Smithsonian, histoire des procès de Salem

Le Musée des sorcières (Salem)