Une année en Espagne
Facal, Joseph, 1961- 914.604 F137u , 2011.
Extraits :
« Certains me répondront cyniquement que plusieurs de nos artistes contemporaines ont déjà leurs millions pour se contenter. Leur faut-il en plus une statue ou une plaque? Cette attitude illustre justement ce que je déplore : notre rapport à la chose culturelle. Le Québec est non seulement une société amnésique qui vit exclusivement dans l’immédiateté, mais aussi où la vraie grandeur met beaucoup de gens mal à l’aise. » p.19
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« Nous vivons en démocratie. La participation citoyenne est l’oxygène qui la fait vivre. En elle-même, la démocratie ne garantit pas de gouvernements honnêtes et compétentes. Mais l’absence de démocratie, elle, garantit absolument des gouvernements incompétents, malhonnêtes et violents. Partout et toujours. Sans aucune exception.
Malgré la nausée et le découragement, se réfugier dans le regret catégorique de la politique ne mène absolument à rien. J’en reste totalement convaincu. Il faut plutôt exiger de la bonne politique. C’est difficile, extraordinairement difficile, mais pas impossible.» p.58
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« Le Québec est la seule société au monde où l’avenir de la langue de la majorité dépendra de ses choix et de ses comportements. La seule au monde. Partout ailleurs, la langue parlée par la majorité n’est pas en danger parce que les immigrants doivent absolument l’apprendre pour vivre. Pas ici.
Évidemment, les francophones ne s’aident pas quand ils passent immédiatement à l’anglais pour être gentils et «ouverts», ou parce que c’est plus rapide pour se faire comprendre… chez eux.
Chaque individu pourrait certes faire mieux. Nommez-moi cependant une autre société dans le monde où il revient à chaque individu de porter sur ses épaules le destin de tout son peuple parce que ses dirigeants refusent de le faire. » p. 61
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(La corrida)
« Évidemment, comme la chose déplaît, ils plaideront pour qu’on l’abolisse, c’est-à-dire pour qu’on prive les autres de leur plaisir. Ce sont généralement des étrangers. Les Espagnols, eux, s’ils n’aiment pas la corrida, se contenteront de ne pas y aller, mails ils foutront la paix aux amateurs, notamment parce qu’ils saisissent qu’elle est un élément central du patrimoine culturel de leur nation. Mais une part au moins de notre sensibilité moderne est ainsi faite : quand on n’aime pas une chose, on voudra l’interdire à tous, et quand on juge une chose bonne, on voudra l’imposer à tous, comme les casques à vélo. Interdire et obliger, les deux réflexes dominants de notre époque. »p. 67
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« De nos jours, quand les gens trouvent une chose bonne, la tentation de l’imposer à tous, pour leur plus grand bien, devient souvent irrésistible. Inversement, quand les groupes jugent une chose mauvaise, ils se mobilisent pour l’interdire à tous. Dans les deux cas, on piétine mon droit et ma capacité à décider seul, comme un grand garçon, de ce qui est bon ou mauvais pour moi. On me traite donc comme une enfant. » p.148-149