La sixième station
Par Marie-Hélène Longpré
Durant la Deuxième Guerre mondiale, Américains et Canadiens tentent de ravitailler la Grande-Bretagne alors que les sous-marins allemands essaient par tous les moyens de couler leurs cargos. Ils sont à l’affut, le long de la côte atlantique et même dans le golfe Saint-Laurent. Pour être efficaces, il leur faut les dernières informations météos.
Les Allemands installent alors dans le plus grand secret, 21 stations météorologiques automatisées.
Le 18 septembre 1943, du sous-marin allemand U-537 transportant La 6e de ces stations, baptisée Kurt (officiellement Wetter-Funkgerat Land 26), part du port de Kiel sous le commandement du capitaine Peter Schrewe. L’équipage n’apprendra sa mission qu’une fois rendu en mer.
Le 22 octobre 1943, l’U-537 arrive à Martin’s bay au nord du Labrador, (voir la carte ci-contre.) L’équipage, chargé d’installer la station sur une colline d’une hauteur de 170 pieds, attend la venue d’un épais brouillard afin de poursuivre la mission dans le plus grand secret. Ils vont même jusqu’à laisser des étiquettes de l’inexistant «service météorologique canadien» en plus de laisser traîner des paquets de cigarettes américaines afin d’éloigner tous soupçons.
Vingt-quatre heures plus tard, l’équipage termine sa mission et retourne vers la base sous-marine
à Lorient en Bretagne. Du Labrador, la station Kurt mesure la pression atmosphérique, la température ainsi que la vitesse du vent. Toutes ces informations cruciales sont envoyées au quartier général de la marine allemande qui peut ensuite planifier les attaques des sous-marins. Mais, deux semaines après le départ de Schrewe et son équipe, la station devient mystérieusement silencieuse. Kurt tombe dans l’oubli.
Près de quatre décennies plus tard, un ingénieur retraité allemand, Franz Selinger, effectuant des recherches sur l’histoire du service météorologique allemand trouve des renseignements sur la station Kurt, en Vers la fin des années soixante-dix, grâce aux papiers du Dr. Sommermeyer (météorologiste) et de ses fils, il identifie la côte nord du Labrador comme emplacement de l’une des
stations.
En 1980, Selinger contacte W.A.B. Douglas, historien officiel des forces armées canadiennes afin de lui faire part de sa découverte.
Douglas n’avait alors jamais entendu parlé de la station Kurt.
Avec l’aide de la garde côtière canadienne, une l’équipe réussit à retrouver les restes de Kurt. Malgré certaines pièces manquantes, des bidons, un trépied et des batteries se trouvent toujours sur le site. Elles sont rapatriées au musée canadien de la guerre à Ottawa et s’y trouvent toujours aujourd’hui.