Jean-Benoît Nadeau, chroniqueur MSN

Car voilà bien le plus troublant des révélations de la Commission Charbonneau : combien étaient-ils, fonctionnaires ou employés de sociétés privées, qui « savaient » et qui fermaient les yeux? Cent, 200, 300 même. Aucun – aucun – n’a attaché le grelot. C’est effarant.

Bon nombre de ces témoins sont des ingénieurs et des comptables dont le travail est régi par des ordres professionnels chargés de les policer et de protéger le public en général. À commencer d’ailleurs par le maire de Montréal, qui est membre du Barreau.
Dans les cercles d’ingénieurs, il était courant depuis 20 ans d’entendre parler de corruption à Montréal et à Laval. Personne ne disait rien à la police.

C’est à se demander à quoi servent les ordres professionnels dont les membres prêtent serment sur l’honneur et qui sont, en principe, astreints à de hautes considérations morales. Il n’est pas normal que, par « solidarité professionnelle », ceux-ci ne dénoncent pas des crimes évidents de leurs collègues.

Il y a une marge entre l’incompétence, le mauvais jugement et le crime. Un médecin qui fait une erreur médicale doit être blâmé, voire radié par son ordre. Mais quand un médecin fait 500 ou 3000 faux diagnostics, la simple radiation est une aubaine. Ce type devrait faire de la prison : il a commis un crime.  De même pour un ingénieur ou un comptable corrompu.

Dans les syndicats aussi, on observe la même loi du silence. Tout le monde se couvre par solidarité syndicale.
Près de chez moi, il y a une école dont le concierge a la réputation de ne jamais faire le ménage. En dix ans, l’école a été propre une seule semaine : quand le concierge, malade, a été remplacé par un collègue consciencieux.

Un concierge qui ne fait pas le ménage pendant dix ans n’est pas un incompétent : c’est un voleur. Il a volé la société pour l’équivalent de dix ans de salaire.
Son syndicat n’a aucune raison de le protéger. Ni d’ailleurs le directeur de l’école, ni les enseignants.