Par Éric Grenier
Magazine Jobboom
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C’était l’enfer à cette usine. Pas un enfer qui fait freaker, mais plutôt du genre qui se visiterait avec Sympathy for the Devil des Stones comme ver d’oreille. On y gagnait très bien sa vie, assez pour chanter «I’m a man of wealth and taste… Ooo, who! Ooo, who!»

À l’usine de magnésium Norsk Hydro, à Bécancour, les gars que j’ai rencontrés à la veille de la fermeture en mars 2007 gagnaient jusqu’à 30 $ l’heure. Avec les heures supp., franchir le cap des 100 000 $ par année était une affaire de rien.

Cette usine avait été jadis la fierté de la stratégie industrielle du Québec, stratégie qui consistait à offrir aux manufacturiers de l’électricité à bon marché, tiens donc! Cependant, quand il est question de produire du magnésium, l’énergie abondante et peu coûteuse et une main-d’œuvre compétente ne sont plus des arguments suffisants. Les difficultés vont bien au-delà. L’usine de Bécancour figurait parmi les plus productives au monde. Même le pdg de Norsk Hydro Canada en convenait. «Nos travailleurs ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour la maintenir ouverte. Ils ont été responsables, loyaux et fiers. Ils étaient les meilleurs.»

Or, dans le monde manufacturier d’aujourd’hui, les meilleurs ne gagnent plus. Seuls les moins fair playréussissent. Comme les producteurs chinois. Coulé dans des conditions défiant toute règle de sécurité et de protection de l’environnement, avec de l’électricité produite par du charbon, le magnésium chinois a assommé la concurrence.

Selon le maire de Bécancour, Maurice Richard, un ancien député libéral qui n’aura pas été à la politique ce que son célèbre homonyme a été au hockey, les travailleurs de Norsk Hydro n’avaient qu’eux-mêmes à blâmer pour leurs souffrances et toutes celles qu’ils ont infligées à la communauté après la fermeture. «Si les gars avaient annoncé leur désir d’être payés plutôt 18 $ l’heure…» Notre scoreur politique devait savoir mieux que la direction de l’entreprise qui, elle, n’envisageait même pas son usine avec des travailleurs au salaire minimum. Mais passons, puisque la tirade traduisait bien le sentiment de jalousie qui suinte chaque fois que le sort d’une usine est en jeu.