Réduire les primes de départ ? Une fois parti…

L’auteur est le spécialiste de l’Assemblée nationale.

Ce qui me frappe dans la nouvelle qui est sortie ces derniers jours et dans les réactions qu’elle a suscitées, c’est le silence des intervenants parlementaires sur le problème le plus scandaleux des allocations de transition, soit le cumul possible d’une allocation de transition et d’une pension de parlementaire.

Faut-il encore le rappeler ? La « prime de départ » des parlementaires du Québec est une « allocation de transition ». Elle est apparue au début des années 1980 lors d’une réforme importante de la Loi sur les conditions de travail des députés. Pour faire digérer une augmentation substantielle de leurs indemnités, au moment où ils coupaient les salaires des fonctionnaires, les députés ont restreint leur généreux « régime de pension » (ce qui devait laisser la « rémunération globale » inchangée, disait-on…) : les députés admissibles au régime ne pourraient plus toucher leurs prestations avant d’avoir 55 ans ; en échange, pour permettre aux moins de 55 ans « de se virer de bord », le temps de se dénicher un « emploi-difficile-à-trouver-quand-on-a-fait-de-la-politique-et-que-les-portes-se-ferment », les députés sortants, volontaires ou non, bénéficiaient d’une « allocation de transition » représentant au maximum une année de salaire.

En principe, l’allocation compensait l’absence de pension (chez les moins de 55 ans) ; en pratique, la loi a permis le cumul et ça dure depuis 30 ans, probablement parce qu’on en profite dans toutes les nuances de l’arc-en-ciel politique. Une ex-ministre des Finances pourtant zélatrice de la bonne gestion des fonds publics est ainsi partie, quatre mois après son élection, avec une sacoche rentière comprenant le RRQ, la pension fédérale, une retraite de parlementaire et une allocation de transition. « Transition » vers quoi, puisqu’elle déclarait quitter le marché du travail ?

L’interdiction de ce cumul devrait faire partie du « plan » dont le ministre responsable des Institutions démocratiques se fait à juste titre le héraut « afin de rétablir la confiance des citoyens envers la politique ». Et, parti sur cet élan, pourquoi s’arrêter ? Tant qu’à revoir la Loi sur les conditions de travail des parlementaires, pourquoi ne pas faire un ménage dans l’accumulation semi-séculaire de primes et d’indemnités de fonctions ? Le gouvernement actuel n’a heureusement pas abusé avec seulement 12 adjoints parlementaires (peut-être par manque de main-d’œuvre !) mais ne faudrait-il pas en limiter le nombre de ces postes souvent perçus comme sinécures pour éviter qu’il ne remonte à 18-20 ? De plus, a-t-on besoin de 15 personnes payées 13 000 $ pour présider les séances de commission quand les présidents et vice-présidents ne peuvent officier ? Les présidents de séance se sont partagé une trentaine de ces séances « orphelines », en moyenne, ces dernières années : ça ne fait pas beaucoup de séances par président, ni d’heures de travail, au rythme de trois heures en moyenne par séances.

Pour rétablir la confiance, ne faudrait-il pas, de façon plus générale, pratiquer la transparence sur tout ce qui touche les conditions de travail des parlementaires (indemnités, allocations, pensions, etc.), comme c’était le cas autrefois, bien avant la loi dite « d’accès à l’information », ainsi que les décisions du Bureau de l’Assemblée nationale en cette matière? Dans Le Devoir du 3 décembre dernier, l’un des rédacteurs de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, Me Jules Brière, exprimait d’intéressantes observations sur ce qu’il est advenu de son « œuvre » (http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/365450/trente-ans-et-deja-vieille) : « La loi, disait-il, semble avoir perdu son sens originel en s’affichant davantage comme un outil de contrôle et d’obstruction […]. Actuellement, elle laisse un peu trop de latitude au gouvernement, ce qui va à l’encontre de ce qui avait été prévu en 1982. Plusieurs aspects doivent être remodelés, et ce, afin de remettre l’intérêt public et la transparence au centre de cette loi ».

Une transparence, ajoutait Le Devoir, « que la commission Charbonneau a certainement confortée dans les derniers mois et qu’invoquent également de plus en plus les tenants d’une nouvelle gouvernance et défenseurs de l’intérêt public qui, comme M. Brière, estiment qu’elle est un des préalables pour redonner confiance aux citoyens dans leurs institutions démocratiques ».