Le pape et le Canadien
Myriam Ségal
Les médias ont déliré au sujet du pape, reléguant les autres sujets au statut d’entrefilets. Mais s’ils n’avaient pas senti un engouement, un intérêt du public, ils se seraient contentés d’un seul reporter, comme lorsque le Mali s’enfonce dans la guerre.
Et j’ai suivi tout cela, moi qui ne vais plus guère à l’église qu’aux baptêmes, mariages et enterrements. Intrigant: pourquoi cette institution décevante dans laquelle je ne me reconnais guère me magnétise-t-elle encore?
Comme le CH!
Pour le même motif que je continuais à suivre le Canadien de Montréal l’an dernier. Sous la houlette de Bob Gainey, l’équipe de hockey ne parlait plus au public, maltraitait ses rares francophones, décevait ses amateurs. Mais le club, créé il y a 100 ans pour que les «Frogs» se fassent rosser par les Anglos, est devenu emblématique de la résilience francophone, une part de notre identité. Alors, même quand il déçoit, ne nous ressemble plus et trahit son blason, on le fustige en espérant.
La religion catholique nous a façonnés comme peuple, nous a imprégnés des valeurs de l’Évangile. On peut bien rejeter la hiérarchie, le clérical, bouder ses cérémonies, ses confessions et communions, elle fait partie viscéralement de notre identité et de notre paysage. La majorité des Québécois, qui conservent des valeurs d’entraide et de tolérance, entretiennent encore une relation avec Dieu, mais sans l’intermédiaire de l’Église.
Pourtant elle a le sens du solennel, du rituel, des traditions. Tout ce clinquant, lent et empesé, comme suspendu hors de notre temps trop pressé, a sans doute contribué à notre fascination pour l’élection du nouveau pape. Quand nous avons besoin d’une cérémonie, d’une pause, beaucoup retournent aux rites de cette Église lointaine…
Les fidèles pratiquants sont fâchés que des déçus et des mécréants profitent des festivités pour critiquer l’Église. Ils ont raison. On gâche le party! Mais en la fustigeant, on espère sourdement qu’elle évoluera vers nous, nos réalités. Comme les fans l’espéraient du CH l’an passé.