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Joseph Facal, dans le Journal de Montréal

«Dans Le Soleil de mardi dernier (le 19 mars), la journaliste Daphnée Dion-Viens nous rapportait les résultats d’une enquête menée par les chercheurs Jean-François Cardin et Érick Falardeau de l’Université Laval. À lire absolument.

Les deux hommes ont demandé à 427 enseignants du primaire et du secondaire leur avis sur la fameuse réforme de l’éducation implantée depuis l’an 2000 et baptisée «renouveau pédagogique». Oui, les «compétences transversales» et tout le bataclan.

Serez-vous étonnés d’apprendre que plusieurs commissions scolaires ont demandé à leurs enseignants de ne pas participer à l’enquête ? Tout de même, l’échantillon de répondants obtenu est suffisamment large pour que les résultats soient significatifs.

Et «significatifs» est ici synonyme de dévastateur.

Au primaire, les enseignants ont répondu non dans les proportions entre guillemets à des questions visant à savoir si les enfants étaient maintenant en mesure de mieux apprendre (69%), mieux réussir (72%), plus motivés (69%), plus disciplinés (88%) et plus autonomes (69%).

Le jugement est encore plus sévère chez les enseignants du secondaire.

Cette réforme prétendait aussi, souvenons-nous, aider particulièrement les élèves en difficulté. Les enseignants estiment, dans une proportion de 81%, qu’elle n’améliore pas la réussite des plus faibles.   (…..)

Cette réforme, je l’ai souvent écrit, est l’histoire d’un détournement. Au milieu des années 1990, les États généraux de l’éducation avaient fait consensus sur l’importance de mettre l’emphase sur les matières de base (français, anglais, mathématiques, histoire et sciences) et d’être plus exigeants (oui), tout en se donnant les moyens d’y parvenir. L’enseignant restait maître du choix de ses méthodes.

Ce n’est pas ce qui est arrivé et ça donne ce que ça donne. En voici une autre confirmation. »

 

Le Kiosque avait publié :

La réforme scolaire: né pour un petit bulletin

«C’est qu’au fond, la triade n’avait que faire de l’intention politique du début (le back to basics)… Ses objectifs restaient les mêmes : poursuivre la mission égalitariste de l’école, non plus en garantissant l’accès mais en promettant cette fois-ci la réussite de tous ; combattre le stigmate de l’échec en abolissant la comparaison et l’émulation, à leurs yeux synonymes de compétition néolibérale et darwinienne ; faire disparaître les dernières traces de culture humaniste en misant sur le concept de « compétence », jugé moins intimidant pour les jeunes des familles défavorisées car il permettait de transférer le savoir abstrait vers du concret et de l’utile.

Le génie de la triade a été de convaincre Pauline Marois et François Legault, les deux ministres qui mirent en place cette réforme, d’accepter toutes les critiques. La première en lui faisant croire qu’elle prenait le train du Progrès infini, que sa réforme aurait l’envergure de celle de Paul Gérin-Lajoie; le second en lui faisant miroiter une plus grande « performance » du Système, de meilleurs « résultats » au final. (Éric Bédard)

(…..)

Conclusion

« Au Québec, le principal problème en éducation réside dans cette emprise trop grande de la technocratie sur l’éducation. Pour moi, c’est clair. Avant, je ne comprenais pas cela. Maintenant je le comprends. » (Gary Cadwell) (p. 270, « Les deux principales réformes de l’éducation du Québec moderne : témoignages de ceux et celles qui les ont initiées ». Sous la direction de Gabriel Gosselin et Claude Lessard, Pul.)

(…) Vous ferez œuvre utile, Monsieur le ministre, si vous tentez de mettre fin à cette hégémonie idéologique qui gangrène notre système d’éducation. (Éric Bédard)

« En attendant, je cherche toujours, sans la trouver tout à fait, la réponse à une question pressante : de quel droit, par quelle légitimité, fonctionnaires et chercheurs ont-ils pu procéder à cette formidable mutation du sens de l’éducation qu’ils ont opérée ? Il me semble cependant que l’arrogance et l’ignorance qui ont présidé à l’adoption des idées que je viens de décrire ont dû jouer un rôle dans toute cette histoire. »  (Normand Baillargeon)