Les vaches sacrées: remettre en question le modèle québécois

Francis VaillesLa Presse

Montréal) Il existe un certain nombre de vaches sacrées au Québec, soit des politiques socio-économiques, des principes ou des constats qui ne peuvent être discutés sans soulever des protestations, du cynisme, voire du scepticisme. La Presse fait le tour de divers tabous pendant cinq jours. Aujourd’hui, le modèle québécois.

Les vaches sacrées: critiquer l’universalité des services

Il y a des péages sur certaines routes aux États-Unis, en France et en Suède. Mais pas au Québec. Ou si peu: à part les nouveaux ponts des autoroutes 25 et 30, nos routes sont gratuites.

Le Québec est pourtant un amalgame de ces trois pays, soit une nation qui carbure à l’économie de marché, mais avec un fort accent social-démocrate. Le Québec a toutefois une particularité indélébile: les politiques sont souvent appliquées uniformément, aux riches comme aux pauvres, aux citadins comme aux gens en région, aux petits comme aux gros utilisateurs d’un service.

Les vaches sacrées: vanter le Québec

Combien de fois ai-je entendu des Québécois mépriser le Québec et leurs compatriotes. «Le Québec est un peuple de grands parleux, petits faiseux», m’écrit un lecteur. «On sait bien, nous les Québécois…», me dit un autre, hautain.

Cette autoflagellation est assez unique en Amérique. Entend-on le même mépris des Ontariens pour leur province, des Canadiens pour leur pays, des Américains pour leur nation ?

Les vaches sacrées: reconnaître qu’on redistribue beaucoup la richesse

Le Québec est une société plus égalitaire, nous l’avons voulu ainsi et c’est tant mieux. Le problème, c’est que plusieurs ne veulent pas reconnaître que nous redistribuons beaucoup. Ils en demandent plus et ciblent nos riches.

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Les chiffres sont clairs: au Québec, les dépenses publiques ont atteint en moyenne 16 150$ par habitant selon les chiffres les plus récents (2009), soit environ 1300$ de plus qu’en Ontario et 1450$ de plus que la moyenne des provinces canadiennes.

Les vaches sacrées: se priver

« Aujourd’hui, les jeunes n’attendent pas avant de dépenser et de s’acheter une auto, une maison ou des meubles neufs. Ce n’était pas le cas il y a 20-30 ans, c’est clair. Avant, les gens achetaient leur voiture et leurs meubles quand ils avaient les sous. Ils épargnaient d’abord et dépensaient ensuite. Aujourd’hui, avec le crédit, on achète avant et on paie après », dit l’économiste Hélène Bégin, du Mouvement Desjardins.

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D’ailleurs, le taux d’épargne, soit la part des revenus qui est économisée, est maintenant de 1,4 %, alors qu’il dépassait 10 % il y a 20 ans. Aujourd’hui, lorsque survient une dépense imprévue ou une hausse de taxes, c’est la panique.

Peut-être que je me trompe. Peut-être qu’il y a quelque chose qui m’échappe. Mais j’ai le sentiment que nous sommes devenus incapables de nous priver, d’attendre avant d’acheter, de désirer avant de consommer. De rêver.