Myriam Segal

 

Nous sommes mous devant les salauds.

 

Notre système de justice présume de l’innocence. À l’excès. On accumule lentement des preuves, on laisse aller les suspects qui ont le temps de faire disparaître des éléments, d’arranger les vérités, d’accorder leurs violons, d’imposer une omerta, de ramollir les mémoires avant les interrogatoires.

 

Si le drame était arrivé aux États-Unis, le conducteur et le propriétaire du train auraient été mis aux arrêts, interrogés immédiatement, libérés sous caution et conditions sévères. Les camionneurs québécois le savent.

 

En France, on aurait sans doute mis en garde à vue les acteurs, et perquisitionné illico les locaux de MMA, grâce aux pouvoirs des juges d’instruction, genre de «super-enquêteurs».

 

Notre justice laisse M. Burkhardt dans ses bureaux de Chicago, sans pression aucune, deviser à sa guise avec ses actionnaires, ses employés, ses assureurs. Combien de fraudeurs ou de chevaliers d’industrie ont par le passé profité de cette présomption d’innocence qui voisine une naïveté complice, pour mettre à l’abri le fruit de leurs larcins?

 

Les médias

 

Les médias ont traqué l’émotion plus que les faits avec leur oeil de Cyclope indiscret sur le chagrin légitime des Méganticois. Encore la semaine passée, un reporter cuisinait un vieillard qui a perdu sa maison. On le questionne, on insiste, on « zoome », jusqu’à ce que sa voix se brise, que la larme perle. Avons-nous vraiment besoin de nous inviter à ce point dans le malheur des victimes pour les comprendre, les soutenir?

 

Je suis toujours mal à l’aise quand un média se pointe avec impudeur à des funérailles. Il n’y a là aucune nouvelle, juste de la peine que les proches ont le droit de vivre sans se soucier de l’image qu’ils projettent.