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Pour parler comme dans mes exercices de maths au secondaire : « De nature curieuse, j’ai tenté cette semaine une expérience. »

J’ai assisté à une conférence pro-environnement, pro-animaux, extra en accord avec la nature. Avril, c’est le mois de l’environnement. Pour l’occasion, le comité environnement de l’école a invité Élise Désaulniers, auteure de Vache à lait, dix mythes de l’industrie laitière et Je mange avec ma tête : les conséquences de nox choix alimentaires, à venir parler du végétalisme aux écolos de l’école.

Les végétaliens refusent de consommer tout animal et tous leurs produits dérivés. Pas de hamburgers, bien sûrs, pas de poisson, pas d’œuf, pas de lait, et pas non plus de miel. Toutefois, comme le précise Wikipédia, « le végétalien ne consomme pas uniquement des produits du règne végétal. Il consomme aussi des champignons, des bactéries, et des substances qui ne proviennent pas du monde vivant (ex. : sel, calcium). » Quand même.

La conférence était précédée d’un potluck végétalien. Petits gâteaux sans beurre, salades, chili végétarien, brochettes de tofu, bruschetta, pain maison, patates au four… Autour de la table, plein de jeunes enthousiastes, plusieurs végétariens, mais pas tous. Une fille discute avec la conférencière de la difficulté de se faire accepter par la société lorsqu’on est végétarien, tandis qu’un gars affirme devant les brochettes de tofu : « J’avais jamais mangé de tofu de ma vie, j’ai toujours eu de gros préjugés. » Et tout le monde de se précipiter pour l’initier. Élise Désaulniers n’a rien mangé : elle n’avait pas pensé à amener sa propre assiette. Moi, j’avais utilisé les assiettes de carton qui nous étaient fournies. Petit malaise.

Le malaise n’était pas terminé.

Élise montre des photos d’elle bébé (elle mangeait tout ce qu’il y avait dans son assiette), adolescente (le caissier du McDo la connaissait bien), et adulte, mariée à un professeur de philosophie, convaincue et repentante. Lorsqu’elle a découvert le secret des produits animaux, elle a lâché son travail pour se mettre à écrire des livres et à faire des conférences à temps plein. Elle aimait bien le fromage, mais elle a découvert que pour produire du lait, on insémine la vache artificiellement, et on retire son bébé à la naissance pour en faire de la viande de veau. Elle n’était pas contre le poisson, mais comme les mammifères, il peut souffrir. Et nos poulets sont gavés à l’extrême pour être aussi dodus. « C’est comme si un bébé pesait 300 livres à force d’avoir été nourri aux vitamines Flinchstones. »

Ses révélations lui ont coûté cher. « C’est plus dur de dire que t’es vegan que de dire que t’es homo. » La société est conservatrice, et exerce énormément de pression pour nous faire manger notre bonne vieille dinde de Noël. Pourtant, les humains n’ont pas besoin de manger des produits animaux, explique-t-elle. Elle n’est pas nutrionniste, mais elle sait que nous pouvons trouver tous nos nutriments dans les végétaux. D’ailleurs, son médecin l’a récemment félicitée pour son excellent bilan sanguin. Elle donne des exemples de célébrités qui sont vegan, dont Meagan Duhamel, médaillée olympique en patinage artistique. Même notre Pierre Karl Péladeau est vegan, et il n’est pas exactement le prototype de l’écolo enragé.

Et du point de vue environnemental, il est temps pour la société de se tourner vers le végétalisme. « On nous conseille de réduire la durée de nos douches, mais avec l’eau utilisée pour produire 500 g de viande, on pourrait laisser couler la douche pendant 6 mois. »

Une pétition est actuellement en cours pour que les animaux soient considérés comme des « êtres » et non plus comme des « choses » dans le Code Civil du Québec.

http://lesanimauxnesontpasdeschoses.ca/

 

Et maintenant, ma partie préférée : les questions.

–       Que pensez-vous de l’insectivorisme ?

–       Les vegans traditionnels ne sont pas d’accord avec ça, car après tout, les insectes sont des animaux. Mais personnellement, comme les insectes ne souffrent pas, je suis correcte avec ça.

–       Est-ce qu’on peut chasser les insectes ?

–       Euh, je ne sais pas… Quelqu’un parmi vous le sait ?

–       Avez-vous des critiques par rapport au veganisme ?

–       Pour les idées, non, mais pour le mouvement, oui. Il ne ratisse pas assez large. Il faudrait inclure dans cette réflexion le féminisme, le racisme, l’environnement, etc.

–       Pensez-vous qu’il existe une intersectionnalité avec l’anticapitalisme ? Vous ne croyez pas qu’il peut y avoir contradiction, lorsque la société profite du mouvement vegan pour mettre en marché des Doc Martens vegan, produire du lait du soya industriel, l’inclut dans la mode, etc. ?

–       En effet, c’est un problème. Je veux amener la question lors du festival vegan qui se déroulera à Montréal à la fin du mois de septembre prochain. (Le lien Facebook de l’événement est brisé, mais le Huffington Post en parle ici : http://quebec.huffingtonpost.ca/2014/03/18/festival-vegan-montreal-uqam_n_4986111.html)

–       Je suis désemparée, qu’est-ce qu’on peut faire ? Les gens ne veulent rien savoir…

–       Mais vous êtes une belle gang, ce soir ! (applaudissements, exclamations enthousiastes) ll y a plein de moyen de valoriser le veganisme. Si nous-même changeons nos habitudes, nous pouvons éventuellement inciter d’autres personnes à nous suivre.

 

À la fin de la conférence, la fille qui était assise à côté de moi se lève pour partir, des étoiles dans les yeux. Elle me demande : « Alors, est-ce qu’elle t’a convaincu ? »

Si je suis convaincu ?

Dès demain matin, je troque mes œufs brouillés pour du tofu soyeux. Mais ne le dites pas trop fort : j’ai peur de l’ostracisme. Et puis, je ne promets rien : l’année prochaine, ce ne sera peut-être plus à la mode.