Dernier cours avant l’examen final. Le professeur attend patiemment que tout le monde se taise et s’assoit, puis s’adresse à la classe. « Je vous donne le choix : soit on commence la matière que de toute façon vous verrez à la prochaine session, ou bien on passe directement à la révision de l’examen. » Examen, soit dit en passant, dont nous avons déjà les questions. Il suffit de s’assurer de les comprendre et d’avoir une idée de comment y répondre, pour réussir l’examen.

Moi, dans ma tête : « Pitié non, pas la révision ! »

Pourquoi cette soif de connaissance ? Parce que le cours dure trois heures. J’ai construit l’horaire de ma journée en fonction de ces trois heures de cours. J’ai aussi payé pour ces heures, soit dit en passant. Vu que c’est un montant minime, personne n’y pense, mais c’est pourtant vrai. J’ai payé pour un service, c’est-à-dire de l’information, je veux recevoir ce service. Sinon, on appelle ça de la perte de temps. Et dans le langage cégepien, « révision » équivaut à « congé », une période de questions à laquelle personne ne participera, et qui finira dès que le professeur en aura marre d’essayer de nous tirer les vers du nez. Là, on sera renvoyés « poursuivre la révision à la maison ».

On passe donc au vote démocratique. Entre un vrai cours et ça, devinez ce que j’ai choisi. Et devinez ce que la majorité a choisi.

La période de questions commence. Moi, le fatigant, je lève ma main, et je pose une question. Un anarchiste, mon ami, lève aussi la main. Puis, silence radio. J’en pose une deuxième. Un pénible (toujours le même), assis devant moi, se retourne en haussant les sourcils. Ses yeux sont mi-admiratifs mi-méprisants. « Félicitations, tu fais le bon élève », expriment-ils. De sa part, ce n’est pas un compliment.

Je reste neutre, sans prendre un air gêné ni le confronter. Refuser d’aller à l’école pour rien, c’est passer outre la reconnaissance sociale.

Silence encore. Il se prolonge. Le prof hausse les épaules, et nous donne congé. Il reste deux heures de cours.

En sortant, je discute avec l’anarchiste. J’apprends que juste avant le début du cours, il y avait plein de monde qui se plaignait de ne rien comprendre aux questions d’examen, qu’ils avaient peur de couler le cours. Et là, au moment où ils peuvent poser des questions, ils se taisent.

Pourtant, poser des questions, ce n’est pas compliqué : elles sont là, alignées sur une feuille de papier. Si on n’a jamais écouté durant les cours, on peut même à la limite renvoyer toutes les questions l’une après l’autre au professeur, qui va donner les réponses idéales. On les prend en note, on les relit la veille de l’examen, et on se fait récompenser de notre assiduité par une note parfaite.

Mais je sais pas, peut-être que certains élèves veulent échouer. Chacun ses ambitions.

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