Alors qu'on enterre la réforme de 2006 décédée d'une overdose d'insignifiance, ses papas didacticiens espèrent encore.
Le gouvernement Couillard peut sauver la réforme de 2006
Christian Laville et Michèle Dagenais
Plutôt que de tomber dans la quadrisection capillaire de la pédagogie, on peut relire deux textes: la lettre d’une étudiante qui a reçu la réforme en plein front et un article de L’actualité sur les manuels.
Moi, Jeanne, élève en troisième secondaire
7 février 2008 | Jeanne Pilote – Élève de 15 ans à l’École internationale de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île
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Du n’importe quoi
On ne va pas se le cacher: le programme d’histoire, cette année, c’est du n’importe quoi, à commencer par les exercices de «copier-coller» qu’on doit faire à tous les cours, qui ne sont en rien utiles à notre apprentissage. Cela consiste à lire un texte et à récrire son contenu dans nos mots sur un graphique ou un tableau quelconque. Toujours le même genre d’exercices. Or nous comprenons à peine ce que nous lisons puisque les cours magistraux ne sont plus au programme, allez savoir pourquoi!
De plus, le vocabulaire utilisé dans ce genre d’exercices est ridicule et parfaitement incompréhensible. On préfère dire «piste de lecture» plutôt que simplement «un texte». Plutôt que de dire «réponse», on dit «mes éléments de réponse». Il y a plein d’exemples du genre. Une fois, un de nos cours a consisté à classer des événements passés selon les catégories «à la lumière du passé», «sous l’angle de la durée» ainsi que «dans leur complexité». Vous y comprenez quelque chose?
Les manuels de l’insignifiance
5 mar. 2008 par Christian Rioux et Magali Favre
Vous pensiez que la construction et la chute du mur de Berlin étaient des moments marquants du 20e siècle ? Au moins deux des six nouveaux manuels d’histoire générale destinés aux élèves du premier cycle du secondaire n’en font même pas mention.
Vous croyiez que le capitaine Alfred Dreyfus, envoyé au bagne pour espionnage, au centre de la célèbre affaire qui déchira la France au 19e siècle, l’avait en fait été parce qu’il était juif ? Il semble que ce détail soit secondaire, puisque le manuel Regards sur les sociétés(CEC), destiné aux mêmes élèves, n’en souffle mot.
Peut-être saviez-vous que François Villon était un poète du Moyen Âge ? Détrompez-vous : le nouveau manuel d’histoire générale D’hier à demain (Graficor) cite l’auteur de la Ballade des pendus parmi un florilège d’artistes de la Renaissance.
Ces erreurs et omissions grossières ont été glanées au fil des pages des nouveaux manuels scolaires du volet « Histoire du monde de l’Antiquité à aujourd’hui », à l’intention des élèves québécois de 1re et de 2e secondaire. Elles devraient suffire à nous convaincre que tout ne va pas pour le mieux dans l’enseignement de l’histoire au Québec.
N’est-ce pas ce que nous révélait récemment la lettre publiée dans Le Devoir par une élève de 15 ans d’une école de la commission scolaire de la Pointe-de-l’Île ? Jeanne Pilote y expliquait ce que tout observateur attentif est en mesure de constater : l’application de la réforme scolaire à l’histoire a transformé les cours en « n’importe quoi » et les élèves en véritables « cobayes ». « Nous passons des périodes entières, écrivait-elle, à nous “interroger dans une perspective historique”, ce qui signifie qu’on compose des questions à propos de l’histoire sans même y répondre. »
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Avant le renouveau pédagogique, l’histoire avait pour fonction de répondre à la question « D’où venons-nous ? » Elle avait pour rôle de saisir la séquence complexe des événements qui nous avait engendrés. Dorénavant, elle a pour but essentiel d’« amener [l’élève] à développer des compétences qui l’aideront à comprendre les réalités sociales du présent à la lumière du passé ». Il ne s’agit donc plus de comprendre le passé, mais bien le présent ! (….)
Sous prétexte d’éducation civique, toute l’attention est dorénavant centrée sur le présent. Le manuel D’hier à demain — supervisé par l’un des principaux concepteurs des programmes, le didacticien Christian Laville — se termine d’ailleurs sur un chapitre inédit, où l’on pose la question suivante : « Sommes-nous satisfaits de notre présent ? Serait-il mieux autrement ? Pouvons-nous le changer ? » Une première dans un manuel d’histoire !
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Lorsqu’on sait que la moitié des professeurs d’histoire du secondaire n’ont pas la moindre formation dans ce domaine, on comprend l’importance des manuels. Or, l’hécatombe ne semble pas terminée. La révision du cours « Histoire du 20e siècle » (aujourd’hui facultatif en 5e secondaire) augure du pire. Certes, ce cours deviendra obligatoire, mais les puissants didacticiens qui règnent en maîtres au Ministère songent à en faire un cours centré sur l’actualité du « monde contemporain », où l’histoire sera dissoute dans les matières dites de « l’univers social » en général (géographie, économie, sociologie, etc.).