Une vie au cégep #8 – Chez nous les jeunes, c’est la grande forme
C’est d’une atmosphère à calmer n’importe quel hyperactif. Je n’ai rarement été aussi fatigué. Mes paupières déploient un effort surhumain pour rester ouvertes, tout mon corps tombe vers l’avant. C’est une sensation horrible. Je ne suis pas la seule à souffrir : le gars à ma gauche semble être en train de mourir, la tête dans les mains, toujours à la limite du sommeil. Il lutte très fort ; il s’est acheté un café, et s’y accroche à chaque soubresaut. Je l’envie tellement, j’ai envie de lui dire « Chanceux, tu as un café… » Je renonce : ça demanderait déjà de l’énergie, et lui doit être perdu dans ses rêves.
Plus loin devant moi, une fille a été moins subtile : elle dort carrément depuis le début de la session, et a été repérée par le professeur. « On est rendus au troisième cours. Je ne te trouve pas très présente. Tant qu’à dormir ici, tu serais mieux de rester chez toi. » La fille visée hausse les épaules, les traits endormis et affaissés.
Peu importe l’heure du cours, et ce dans tous les cours, il y a au moins une demi-douzaine d’élèves qui sont trop épuisés pour être fonctionnels. Visiblement, s’asseoir sur une chaise en plastique mal ajustée, pendant trois heures, sous des néons, dans une classe sans fenêtre, ça ne convient pas à tout le monde. Je me demande pourquoi. Conséquence : des jeunes étudiants et des vieux professeurs, ce sont ces derniers qui semblent avoir le plus d’énergie. Pour un étudiant, ce seul fait force l’admiration : pendant que lui se liquéfie sur le bureau, le professeur reste debout, fais des allers-retours devant la classe, parle sans arrêt, fait des tentatives de contacts visuels. Un vrai moniteur de camp de jour. L’énergie de la jeunesse ? Faites-moi rire.
Même quand ils ne dorment pas, les élèves ne manifestent le plus souvent que l’énergie minimum pour garder la tête levée et recopier les notes de l’écran devant eux, s’il y en a. Participer au cours, c’est trop d’effort, on réserve ça aux téteux. J’ai une professeure, par exemple, qui n’attend même plus de réponse à ses questions. Elle continue à en poser, comme par convention, mais elle ne relève plus la tête pour vérifier s’il y a une main levée. Après des dizaines de tentatives, elle a fini par comprendre.
D’après vous, lequel des deux groupes, celui des étudiants zombies et des professeurs animateurs, exerce le plus d’influence sur l’autre ?
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