Les problèmes de «Libé»
Jean-Benoît Nadeau, chroniqueur
Je lis deux journaux français chaque matin : Libération et Le Parisien. Le premier est de gauche, le second de centre droit. L’un a un mandat national, l’autre est résolument Parisien. Le premier est drôle, spirituel et insolent, mais le second est nettement plus informatif.
Depuis quelques mois, Libération est secoué de difficultés internes sur fond de crise financière. La rédaction, en guerre ouverte avec les propriétaires, étale sa querelle à pleines pages. Ce n’est pas beau, mais c’est malheureusement symptomatique des problèmes de Libé, qui ne sont pas étrangers à ceux de toute la presse dite «nationale»: le parisianisme et l’idéologie.
(….)
Même si la presse parisienne s’affranchissait de Presstalis et réussissait à créer des contenus régionaux adaptés, elle aurait encore un autre problème: elle est non seulement trop idéologique, mais carrément fâchée avec les faits.
Prenez un problème simple que Libération devrait être en mesure d’expliquer: les difficultés de Libération, dont le journal a parlé dans ses propres pages tous les jours. Je n’ai compris le problème qu’en lisant la presse québécoise!
(…)
L’essayiste Marcela Iacub, dans une chronique assez courageuse sur son propre journal, expliquait pourquoi la presse de droite française survit mieux que la presse de gauche. Pas parce qu’elle est plus campée dans son idéologie, mais tout simplement parce qu’elle n’essaie pas de dire quoi penser au lecteur, qui demande à être informé, amusé et surpris.
Par exemple, prenez ce reportage sur les «horaires atypiques» (les gens qui ne travaillent pas de jour ou en semaine). À en croire le titre et la première moitié du reportage, il s’agirait d’une anomalie. Jusqu’à ce que la journaliste finisse par dire que les deux tiers des Français travaillent sur des horaires «atypiques». Si les deux tiers d’une population sont sur des horaires atypiques, ceux-ci ne sont plus «atypiques» et l’usage du terme devient un déni de réalité.