slide_341314_3518792_freeDans le Huffington Post

Le grand quotidien américain The New York Times a plaidé samedi en faveur la légalisation du cannabis, comparant sa pénalisation aux errements de l’époque de la Prohibition.

L’article du New York Times

 

Mais pourquoi le pot avait-il été interdit?

Le Kiosque a publié

Petite histoire de la guerre contre les drogues

L’herbe qui rend fou

La marijuana était arrivée aux États-Unis grâce aux travailleurs de l’Inde que la Grande-Bretagne avait fait venir dans les Caraïbes pour remplacer les Noirs après l’abolition de l’esclavage. La plante s’est répandue au Mexique et dans différentes îles dont la Jamaïque et, de là, à la Nouvelle-Orléans. Plus tard, des Mexicains fuyant la révolution des années 1910 ont traversé la frontière américaine et se sont établis dans les États du Sud-Ouest : Nouveau-Mexique, Texas, Arizona, etc.

La prohibition de l’alcool avait poussé ceux qui cherchaient des sensations, fortes ou non, à essayer autre chose. Ce sera, entre autre, la marijuana.

Et ça recommence : Mexicains + marijuana = danger.

 

Le procureur de la Nouvelle-Orléans révèle que la marijuana est un stimulant sexuel. Hearst, le magnat de la presse, ordonne à ses 50 quotidiens, à ses magazines et à ses postes de radio de sensibiliser les Américains à l’herbe qui pousse un peu partout et qui rend fou. Des groupes religieux financent Reefer Madness (La folie du joint), un film qui démontre les conséquences horribles d’un premier joint de marijuana: meurtre, suicide, viol et folie.

Pourtant, le Public Health Service avait étudié la marijuana et conclu: « le Cannabis ne cause pas de dépendance… il appartient probablement à la même catégorie que l’alcool. » Henry Anslinger ne croit pas non plus au danger de cette herbe qui pousse un peu partout, mais les États du Sud-Ouest lui tordent le bras.

En 1937, lors des audiences sur la Marihuana Tax Act, (remarquons le mot « Tax »), Anslinger horrifie les membres du Congrès avec l’histoire sordide de Victor Licata, un fumeur de marijuana de 21 ans qui a tué à la hache ses parents, ses frères, et sa soeur.

Il explique que, sous l’influence de la marijuana, « des personnes tombent dans une rage délirante et peuvent commettre des crimes violents. »

Anslinger néglige de mentionner que les autorités de la Floride avaient essayé, en vain, d’envoyer le jeune homme dans un asile bien avant son premier joint.

La loi est votée. Le cannabis rejoint l’opium et l’héroïne dans la catégorie des narcotiques. Quiconque vend, achète ou fume de la marijuana doit obligatoirement, sous peine de cinq ans de pénitencier, obtenir un papier avec un timbre officiel. La beauté de la loi est qu’il faut se présenter avec la marijuana pour obtenir le timbre. On est donc déjà en infraction… Autre détail savoureux, le gouvernement n’a pas de papier timbré pour la marijuana et n’a pas l’intention d’en fabriquer. Kafka n’aurait pas fait mieux.

Le lendemain de l’entrée en vigueur de la loi, à l’hôtel Lexington de Denver (Colorado), la police aperçoit Samuel Caldwell, 58 ans, en train de vendre deux joints de marijuana à Moses Baca. Ils sont arrêtés. Le juge Foster Symes déclare alors: « Je considère que la marijuana est le pire des narcotiques, beaucoup plus que la morphine ou la cocaïne. La marijuana détruit la vie elle-même. »

Caldwell est condamné à quatre ans de pénitencier; Baca à 18 mois de prison.

 

Au Canada

 

Emily Murphy est la mère de la prohibition du cannabis au Canada.

Ottawa a enlevé Emily Murphy des billets de 50 dollars, mais n’a pas encore osé déboulonner sa statue devant l’édifice du Parlement canadien. Après tout, elle a été en 1916 la première femme nommée juge (à Edmonton) de tout l’Empire britannique. Mais c’est vrai qu’Emily Murphy est gênante.

Sous le pseudonyme de Janey Canuck, la juge publie a début des années vingt dans le Maclean’s, cinq articles expliquant que les femmes blanches qui utilisent des drogues sont tellement  détériorées moralement et physiquement qu’elles couchent avec des Noirs et des Asiatiques, posant ainsi une sérieuse menace à la race blanche. «  [Il] existe parmi les étrangers de couleur de la propagande bien définie visant à entraîner la dégénérescence de la race blanche. ».

Dans de nombreux passages, elle met en garde contre « les Assyriens (Arabes), les Nègres et les Grecs alliés aux Chinois dans le trafic de drogue ». La consommation de haschisch, totalement inconnue au Canada -comme d’ailleurs la marijuana- entraîne un «comportement d’excitation maniaque, pouvant parfois se prolonger en un délire se terminant par l’épuisement et même la mort ».

En 1922, pour atteindre un public plus large et pousser ainsi dans le dos du fédéral, elle regroupe ses articles dans le livre « Black Candle » (La chandelle noire), qui a un succès monstre. Lorsque, un an plus tard, sans débat, Ottawa ajoute la marijuana aux drogues interdites, il n’y a toujours pas un seul joint au Canada.