Il y a aussi une rue et un grand parc Alexis-Carrel à Montréal
Éric Grenier
La controverse au sujet de la toponymie d’une insignifiante rue résidentielle de Gatineau ne cesse de grossir.
Dans ce quartier du chef-lieu de l’Outaouais, les autorités municipales ont eu la bonne idée de nommer plusieurs voies publiques d’après d’illustres récipiendaires de prix Nobel. Dont Alexis-Carrel et Philipp-Lenard, le premier Nobel de médecine en 1912, et le second, de physique en 1905.
Or, à la Commission de la toponymie du Québec, l’organisme québécois responsable de l’application de la loi qui permet de déterminer les noms de rue, on ne semble pas trop pousser fort sur la recherche historique des personnages honorés.
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Des rues Alexis-Carrel, il y en a trois autres au Québec.
Le Kiosque a publié:
(Extrait sur Carrel: Des vies moins importantes que d’autres)
Depuis des décennies on cherchait des liens entre l’hérédité et les maladies mentales. Sur cette question était née une nouvelle «science», l’eugénisme. Le mot vient du grec et signifie «bien né». Vers le début du 20e siècle, sous l’influence des eugénistes, des médecins et des scientifiques font le lien entre hérédité et santé publique. De là à conclure que certains individus ne devraient pas avoir d’enfant, il n’y a qu’un pas . . . qu’ils franchissent rapidement.
On est convaincu qu’il faut faire quelque chose. La solution sera de stériliser de force les déficients et les malades mentaux.
En 1927, l’Eugenics Record Office ouvre ses portes à Cold Spring Harbor dans l’état de New York. Dans les années qui suivent, la stérilisation obligatoire est mise en place aux États-Unis. En tout, 17 États interdisent aux épileptiques de se marier. Ils sont imités par la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Japon et le Canada.
Emily Murphy, la première femme magistrat du Canada, qui à elle seule a fait interdire le cannabis au pays, proclame que les mauvais gènes constituent un danger. «Les aliénés n’ont pas de droit à la postérité». Dès 1928, l’Alberta crée une commission de l’eugénisme qui a le pouvoir d’autoriser la stérilisation des individus. De 1929 à 1972, 2822 personnes seront stérilisées.
Le film Tomorrow’s Children (1934) raconte ce chapitre noir de l’histoire du Canada. Une jeune femme désire épouser son fiancé et avoir des enfants. Mais les autorités sanitaires ont décrété que sa famille, composée de parents alcooliques et d’une fratrie handicapée, criminelle ou atteinte de problèmes mentaux, était dégénérée. La cour ordonne qu’elle se fasse stériliser afin d’éviter que ses gènes défectueux ne se propagent.
Henry F. Perkins, professeur de zoologie, a dressé l’arbre généalogique de plusieurs familles “dégénérées”, pauvres ruraux, Abénakis et Canadiens-français de l’État du Vermont. Le but: les stériliser.
Alexis Carrel
En 1935, Alexis Carrel, Prix Nobel de médecine, chirurgien et physiologiste français, publie un ouvrage qui connaît un grand succès: L’homme cet inconnu. Que dit Carrel ?
«Le coût des prisons et des asiles d’aliénés, de la protection du public contre les bandits et les fous est, comme nous le savons, devenu gigantesque.
Un effort naïf est fait par les nations civilisées pour la conservation d’êtres inutiles et nuisibles. Les anormaux empêchent le développement des normaux. Il est nécessaire de regarder ce problème en face. (…) Il ne faut pas hésiter à ordonner la société moderne par rapport à l’individu sain. Les systèmes philosophiques et les préjugés sentimentaux doivent disparaître devant cette nécessité.
La sélection naturelle n’a pas joué son rôle depuis longtemps et beaucoup d’individus inférieurs ont été conservés grâce aux efforts de l’hygiène et de la médecine».
En 1936, alors que les Nazis sont au pouvoir, il écrit dans la préface de l’édition allemande de son livre : « En Allemagne, le gouvernement a pris des mesures énergiques contre l’augmentation des minorités, des aliénés, des criminels. La situation idéale serait que chaque individu de cette sorte soit éliminé quand il s’est montré dangereux ».
C’est le programme des Nazis. (…)