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Un billet de Issie Lapowski (WIRED)
Le Kiosque a publié : The Conquest: petite histoire des Indiens américains
Extrait sur les Cherokees :
Le mode de vie des Indiens de l’Ohio et du Mississipi est révolu; l’arrivée massive des Blancs condamne leurs territoires de chasse. Il ne leur reste plus qu’à partir vers l’ouest, laissant la place aux colons. « Ceux qui cultivent la terre sont un peuple choisi de Dieu, si jamais il a un peuple choisi », écrivait, dès 1784, le président américain Jefferson. Mais, alors, les Creeks et les Cherokees qui cultivent la terre ont sûrement leur place dans cette république.
Afin de survivre, les Cherokees, les Creeks, les Choctaws et d’autres peuples agricoles du sud-est des Etats-Unis ont décidé, lucidement, après de longues discussions, de s’intégrer au monde des Blancs. Les Américains eux-mêmes commencent à invoquer les « tribus civilisées», bien qu’ils se sentent mal à l’aise devant ces Indiens pacifiques, chrétiens et cultivateurs. On les laisse créer en paix leur façon de s’harmoniser au monde des Blancs. Parmi ces tribus civilisées, les Cherokees sont sans doute les plus intégrés. Sédentarisés depuis longtemps, ils ont construit des fermes, des écoles et des églises dans leurs villages. Ils ont mis en culture des vallées des Appalaches, élèvent des milliers de bestiaux, porcs, moutons et utilisent la charrue et la forge. En 1820. les Cherokees se donnent une constitution démocratique et leur capitale toute neuve, New Echota, est le siège d’un parlement élu de 32 députés, d’une université et d’un hôpital moderne. L’un des leurs, Sequoia, a même inventé un système de notation syllabique de leur langue qui est accepté partout et enseigné aux enfants des écoles cherokees. A partir de 1821, la grande majorité des Cherokees lisent dans leur langue et, en 1828, paraît le premier journal rédigé en cherokee et en anglais. C’est dans leur langue maternelle qu’ils apprendront à quoi les Américains entendent utiliser les Plaines achetées à l’empereur Napoléon.
Pour les Américains, les Plaines de l’ouest sont comparables au Sahara ou à la Sibérie, désertes et inhabitées. Lors de l’achat du territoire aux Français, le gouvernement américain avait envoyé au-delà du Mississipi des expéditions d’exploration dont certaines se rendront jusqu’au Pacifique. Le rapport des explorateurs ne fait que confirmer la croyance populaire: les Plaines sont vides de toute population. Le gouvernement conclut qu’il faut donc garder les bonnes terres de l’est du Mississipi pour les colons américains et repousser les Indiens de l’est dans ce supposé désert. Le secrétaire d’Etat Henry Clay ayant déclaré en 1825 que la disparition des Indiens de la famille humaine ne serait pas une grande perte pour l’humanité, le gouvernement n’a aucun scrupule à installer les Indiens dans ce « désert ». C’est la fin de l’ère des traités qui assuraient aux Indiens la conservation d’une partie de leurs terres ancestrales. Après 1830, le Congrès américain leur imposera de troquer leurs terres pour d’autres qui sont situées dans ce que le gouvernement a défini comme étant le « pays indien». Ce « pays » comprend les territoires à l’ouest du Mississipi, à l’exception de la Louisiane, de l’Arkansas et du Missouri ; en fait, il s’agit de l’Oklahoma actuel. Ce territoire officiellement indien est ceinturé d’une série de forts destinés à empêcher les Blancs d’y entrer et surtout les Indiens d’en sortir.
Alors, de partout, commence la déportation. Elle se fait peu à peu, mais systématiquement, par secteurs géographiques successivement vidés de leurs occupants. Elle s’étendra sur 50 ans. Les premiers déportés arriveront en Oklahoma en 1830, les derniers en 1880. Pour certaines tribus, plusieurs traités doivent être signés, les déplaçant d’une réserve à l’autre, toujours plus à l’ouest, avant qu’ils n’atteignent leur destination finale. Certaines tribus subissent leur sort et se soumettent aux exigences du gouvernement, d’autres résistent. En 1832, une partie des Renards émigre, paisiblement, résignée, « dans un pays dont nous savons peu… au-delà d’une grande rivière, sur la route du soleil couchant . » ( Pieds nus sur la terre sacrée, page 14! )