Lu dans El Pais, avril 2025, et traduit en français
Pourquoi les jeunes d’aujourd’hui sont-ils plus anxieux ? Alerte au divulgâcheur: ce n’est pas seulement leurs téléphones qui sont à blâmer. Nous devons également examiner le modèle parental qui façonne le développement d’un enfant.

L’utilisation des appareils a changé la façon dont nous interagissons, même dès notre plus jeune âge. Il
n’est pas rare de voir des enfants de sept ans se rendre chez leurs amis pour jouer avec leur propre tablette sous le bras. L’interaction se déroule généralement comme suit : ils discutent pendant un moment, et après quelques minutes seulement, chacun se plonge dans les jeux numériques sur sa tablette. Si quelqu’un, pour une raison quelconque, n’a pas d’appareil avec lui, il court le risque d’être laissé de côté ou réduit à un simple spectateur.
Cette dynamique est très courante aux États-Unis, mais n’est en aucun cas exclusive à ce pays. Partout, on voit des enfants collés à leur téléphone pendant les repas de famille ou des groupes d’adolescents assis sur un banc, sans se parler, parce qu’ils sont tous concentrés sur ce qui est publié sur les réseaux sociaux.
Malheureusement, le prix de tout cela est la santé mentale de la plus jeune génération. Les personnes nées après 1996 souffrent de taux plus élevés d’anxiété, de dépression, d’automutilation et
de problèmes de santé mentale que les générations précédentes en Europe et aux États-Unis, ainsi qu’en
Australie, selon des centaines d’études menées par le Dr Jean M. Twenge, professeur à l’Université d’État
de San Diego.
Mais l’origine du problème remonte à quelques années plus tôt, dans les années 1980, alors que les
appareils n’avaient pas encore fait irruption dans nos vies, et est liée à la parentalité. C’est à ce moment-là, en raison de craintes infondées, que la parentalité surprotectrice commence à s’installer, ce qui éloigne
les enfants du jeu et réduit leur autonomie.
L’hypervigilance dans le monde réel contraste fortement avec la liberté dont jouissent les enfants et
les adolescents lorsqu’ils utilisent des appareils numériques, comme l’a noté Jonathan Haidt, professeur de psychologie à l’Université de New York et auteur du best-seller The Anxiety Generation. Ces deux facteurs – la technologie et l’état d’esprit des parents – créent une génération plus vulnérable que jamais. Pour y remédier, nous devons prendre des mesures dans les domaines dont nous avons le contrôle.
Selon Haidt, nous devrions éviter de donner un téléphone intelligent aux adolescents avant qu’ils ne commencent le lycée, restreindre l’accès aux médias sociaux jusqu’à l’âge de 16 ans au moins, et même interdire les téléphones portables dans les écoles et les collèges. Cependant, au-delà de la limitation de l’utilisation des appareils, nous devons également repenser notre approche en tant que parents. Comme le suggère la psychologue Alison Gopnik dans son livre The Gardener and The Carpenter, nous devrions adopter une approche plus « jardinière » de la parentalité.
Alors que les jardiniers créent des espaces pour que les plantes poussent en toute sécurité et atteignent
leur plein potentiel, les menuisiers s’efforcent de créer un plan parfait et de sculpter des meubles pour
s’adapter au design original. Il semble que le changement de surprotection des dernières décennies
ait été motivé par une mentalité de parent charpentier: des attentes élevées pour nos enfants, des cours
parascolaires épuisants, une obsession sans précédent d’être de bons parents et une surveillance excessive qui s’est faite au détriment du jeu en personne avec d’autres enfants.
Devenir parents jardiniers, c’est donner plus d’autonomie à nos enfants à chaque âge. Nous
pouvons confier aux plus jeunes enfants des tâches ménagères simples au début et des tâches plus
sophistiquées plus tard. Nous devons apprendre à gérer notre propre anxiété en tant que parents – nous
devons permettre à nos enfants d’être hors de vue en leur demandant de faire de petites courses à
proximité, en encourageant les soirées pyjama avec des amis et en évitant de microgérer toutes leurs
tâches, même à l’école.
Il faut aussi favoriser leur autonomie dans leurs déplacements : les encourager à aller à l’école en
groupe si possible, ou, par exemple, les laisser aller seuls à des distances sûres dès l’âge de neuf ans. Nous pouvons les inscrire à des camps et à des expériences dans la nature avec d’autres enfants et, bien sûr, éviter de remplir leurs après-midi d’activités enrichissantes sans fin qui les épuisent et laissent peu de place au jeu libre. En fin de compte, le meilleur cadeau que nous puissions offrir à nos jeunes enfants est la chance d’être des enfants – sans appareils et sans surveillance constante par les parents.
Lorsqu’ils sont adolescents, la promotion de l’autonomie, de la mobilité et d’une vie sans écran
devrait être un pilier important de leur éducation. Ils peuvent être encouragés à participer à des
programmes d’échange, à vivre davantage d’expériences dans la nature, à rechercher des
opportunités pour faire certains emplois, à faire du bénévolat ou à s’occuper d’autres personnes ou
d’animaux.
Ils devraient également être invités à participer à des conversations de la vie réelle avec de vraies
personnes, loin des appareils qui les hypnotisent. En d’autres termes, l’objectif est de créer des espaces
pour qu’ils puissent établir des relations avec d’autres personnes sans écran, ce qui favorise un
développement cérébral et mental plus sain, et les aide à renforcer leur confiance en soi, à réduire leur
anxiété et à être mieux préparés aux défis auxquels ils seront confrontés dans la vie.
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