• Joseph Jean

    Étrange destin que celui de Joseph Jean dont on garde un souvenir ému dans les paroisses ukrainiennes du Canada et dans les monastères de Galicie en Ukraine. Son nom est toujours lisible sur sa pierre tombale à Mundare en Alberta; mais “Joseph Jean” est écrit en cyrillique.

  • À la réunion annuelle de la Fondation Joseph Jean de Montréal (vers 1985), tous les discours étaient en ukrainien; d’ailleurs nous n’étions que deux Canadiens français parmi les quelques centaines de personnes qui rendaient hommage à ce prêtre né près de Rimouski.
  • La colonie n’a laissé aucune trace. On trouve encore le nom de “Sheptetski” sur les vieilles cartes du Québec, mais seuls quelques Ukrainiens se souviennent que Lac Castagnier, au fin fond de l’Abitibi, a déjà été une colonie ukrainienne.

Joseph Jean, l’étrange Ukrainien

Winnipeg, 1900. L’archevêque de St-Boniface au Manitoba, Adélard Langevin se retrouve devant un problème épineux: ses nouveaux fidèles, des immigrés, sont catholiques mais… ils ne savent pas un mot de latin, la langue sacrée de l’Église de Rome, utilisée pendant toutes les messes, de l’Irlande à la Pologne, de l’Autriche au Canada. Leur calendrier religieux ne concorde pas avec celui de l’Église catholique romaine. Aucun orgue, aucune statue dans leurs étranges églises surmontées de bulbes dorés où ils communient sous les deux espèces.

Mgr Langevin, catholique romain comme tous les Canadiens français, a devant lui des Ruthènes, des Galiciens, bref des Ukrainiens qui étaient catholiques alors que Champlain n’avait pas encore fondé Québec.

Immigrants galiciens (ukrainiens) à Québec, 1897

Photo: http://www.uccla.ca/gallery1.htm

Les chrétiens sont en Ukraine depuis plus de mille ans. C’est en 988 que le Tsar Vladimir est baptisé à Kiev, aujourd’hui capitale de l’Ukraine.

Peu après, l’unité des chrétiens craque. Les catholiques, soumis à Rome, se séparent des orthodoxes de Byzance (aujourd’hui Istanbul en Turquie) qui refusent l’autorité du pape de Rome. Les Slaves se divisent; Polonais, Tchèques se rangent du côté de Rome, Ukrainiens et Russes du côté de Byzance.

La Russie est officiellement orthodoxe. Le patriarche de Moscou domine les églises orthodoxes des pays voisins comme l’Ukraine. Moscou veut contrôler aussi bien leur pays que leur Église. En 1596, une partie des Orthodoxes, particulièrement dans l’ouest de l’Ukraine, abandonne la religion orthodoxe, reconnaît le pape qui accepte leurs traditions, leurs coutumes – le slavon, lavieillelangue liturgique de l’Église orthodoxe plutôt que le latin, l’icône plutôt que la statue – et leurs prêtres mariés. C’est l’union de Brest, une ville ukrainienne. Ainsi est née l’Église ukrainienne catholique.

Que peut faire Mgr Langevin? Surtout pas trouver des prêtres catholiques ukrainiens. Il n’y en a pas un seul parmi les dizaines de milliers de Galiciens qui transitent à Winnipeg avant d’aller cultiver les plaines de l’Ouest. La raison est simple: en 1894, le Vatican a interdit toute l’Amérique du Nord aux prêtres catholiques mariés. Or, 3% seulement des prêtres catholiques ukrainiens sont célibataires. Plus les évêques et les moines, ce qui ne fait pas grand monde.

Utiliser les prêtres d’ici? Compliqué. Les Galiciens se méfient comme de la peste du rite catholique romain car chez eux, en Galicie, au sud de la Pologne, ils sont dominés par les Polonais, tous bons catholiques romains. Évidemment, les Orthodoxes ukrainiens de Winnipeg se font un malin plaisir de susurrer aux Galiciens que les prêtres canadiens-français vont essayer de les assimiler alors qu’eux, les Orthodoxes, parlent la même langue, utilisent la même langue liturgique, le slavon, et suivent sensiblement les mêmes rites. Tentation…

Vienne au début du XXe siècle (source: Library of Congress)

Inquiet, Mgr Langevin se demande comment garder les Galiciens dans l’Église catholique. Il essaie de faire venir des moines de Galicie. Échec. Il se rend à Rome puis à Vienne et demande en vain à l’empereur François-Joseph d’arrêter le départ des catholiques ukrainiens de Galicie.

De retour à Rome, le problème semble toujours insoluble lorsque Mgr Langevin a une idée franchement géniale: envoyer des prêtres canadiens-français en Galicie pour qu’ils apprennent le slavon, les cérémonies et qu’ils soient ordonnés là-bas selon le rite des catholiques ukrainiens.

Il envoie donc des recruteurs au Québec à la recherche de volontaires. C’est ainsi que le 17 novembre 1901, l’évêque manitobain Émile Légal donne un sermon sur la question à la cathédrale de Rimouski en présence des élèves du Petit séminaire. Parmi ses auditeurs, le jeune Joseph Jean de St-Fabien qui vient d’avoir 16 ans. Il dira plus tard qu’il a été impressionné par ce sermon au cours duquel l’évêque Légal leur avait dit : «Aidez-nous à garder les Ukrainiens dans le giron de l’église catholique, ainsi le Canada deviendra une puissance catholique».

Un premier prêtre, le Belge Achille Delaere, part pour la Galicie en 1906. Il écrit une brochure sur les tentatives répétées des Orthodoxes pour faire passer les Ukrainiens catholiques dans leur camp. Le 11 novembre 1908, la brochure tombe dans les mains de Joseph Jean alors au Grand Séminaire. Le choc!

Joseph commence à lire la brochure; il ne peut plus s’arrêter. Il demeure assis toute la nuit, et lit, relit, médite ce qu’il vient de lire.

«Les jeunes aiment rêver aux champs de bataille et aux victoires.Voilà un champ de bataille où les courageux peuvent se distinguer et où la victoire peut être atteinte. Prenez votre lot de la gloire qui vous revient; ne laissez pas les étrangers vous l’usurper. Réveillez ceux qui dorment. Pour Dieu et l’Église, entière, sainte, catholique et apostolique

Le lendemain matin, après en avoir discuté avec l’évêque de Rimouski, Joseph Jean écrit à Mgr Langevin au Manitoba: «J’ai senti un appel en moi de ses pauvres Ruthéniens et… je demande votre permission pour me dévouer à leur cause.»

L’archevêque Andrei Sheptytskyi, qui a dirigé l’église catholique ukrainienne de 1900 jusqu’à sa mort en 1944.

Joseph Jean est ordonné prêtre à la cathédrale de Rimouski le 14 août 1910.

Peu après, il participe au Congrès eucharistique mondial qui se tient à Montréal et y fait la connaissance de l’Archevêque Andreï Sheptytsky en tournée dans les communautés ukrainiennes du Canada. Jean lui explique son rêve; L’Archevêque est enthousiasmé. Avant la fin du mois, le 23 septembre, le père Jean quitte le Canada pour le séminaire des moines basiliens, au monastère de Krekhiv en Galicie.

Ce monastère, qu’il décrit comme une forteresse médiévale, est situé près de Lviv, la capitale de la Galicie – et la ville natale de Sacher-Masoch qui va donner son nom au masochisme- qui fait alors partie de l’empire autrichien.

Le monastère de Krekhiv

Cathédrale catholique ukrainienne de Lviv

Toits de Lviv

Panorama de Lviv

Pendant une année, il étudie la langue, l’histoire, la culture et la religion des Ukrainiens. La Galicie est adossée à des montagnes, les Carpathes. Ces montagnes sont une exception dans le paysage ukrainien

Un géographe disait au début du XXe siècle qu’un Ukrainien n’avait jamais vu, ne voyait pas et ne verrait jamais de montagnes et il ne sait même pas à quoi ça ressemble. L’Ukraine est une plaine immense et monotone, ouverte à tous les vents, qui se couvre l’hiver d’un vaste manteau glacé et, l’été, d’une épaisse couverture de céréales. Car la plaine ukrainienne est une des plus fertiles au monde. Le problème est qu’elle est aussi ouverte à tous les envahisseurs.

Tout ce qui possédait un cheval ou un bateau finissait par envahir cette plaine qui s’étend entre l’Europe et l’Asie: Sarmates, Khazars, Vikings. Ces derniers s’emparent au IXe siècle de la grosse bourgade de Kiev. Leurs descendants sont alliés aux empereurs de Byzance (aujourd’hui Istanbul) et marient leurs filles aux rois de Pologne, de Suède, de Hongrie et même de France.

L’Ukraine est alors l’État le plus riche de toute l’Europe de l’Est; sa capitale, Kiev, plus peuplée que Londres, devient une rivale de Byzance. Par son faste et son opulence elle dépasse de loin toutes les cités de l’Europe, avec sa cathédrale dont les bulbes dorés scintillent au soleil, et ses marchés bien achalandés qui font l’admiration des voyageurs. Et l’envie des Mongols.

Affaiblis par quelques guerres civiles, Kiev ne peut résister à l’assaut de 230 000 cavaliers mongols. Ceux qui le peuvent se réfugient à l’ouest, à l’autre bout de la plaine, cherchant une protection à l’abri de la chaîne des Carpathes au sud de la Pologne. La vie se réorganise autour de Lviv dans cette région qu’on appelle la Galicie. Après un siècle d’indépendance, ils sont envahis par les Lituaniens, puis par les Polonais qui annexent la Galicie et tentent de soumettre le reste de l’Ukraine.

Après des années et des années de combat, les Ukrainiens demandent l’aide des Russes. Acte fatal. Les Russes viennent, s’installent et s’entendent avec les Polonais pour se diviser l’Ukraine. Il n’y a plus d’Ukrainiens libres. Ils sont tous dominés, soit par les Russes, soit par les Polonais. Puis, la Pologne perd l’Ukraine qui est scindée en deux parties inégales. La Russie conserve toute l’Ukraine de l’est avec Kiev comme capitale, environ les trois quarts du pays. La Galicie ou Ukraine occidentale passe entre les mains de l’empire autrichien qui se dépêche de l’oublier.

Empire autrichien

Au XIXe siècle, la Galicie est la région la plus pauvre, la plus reculée de l’immense empire autrichien. Une blague de l’époque raconte qu’un révolutionnaire se présente à la frontière.

Le douanier lui demande: “Que venez-vous faire en Galicie?

Le révolutionnaire répond:” Je viens libérer les ouvriers des usines”

Le douanier: “ Nous n’avons ni l’un ni l’autre, vous pouvez passer.”

La Galicie du XIXe siècle est une courtepointe de peuples. L’ouest est polonais; les villes sont cosmopolites, Polonais, Juifs, Allemands, Arméniens, mais très peu d’Ukrainiens. Ceux-ci, environ 40% de la Galicie, mais nettement majoritaires à l’est, vivent pratiquement tous à la campagne. Ils subissent le servage, un genre d’esclavage rural.

Leur problème principal est la puissante minorité polonaise. Les postes importants lui sont réservés. La plupart des terres appartiennent à de grands seigneurs tout aussi polonais. Seigneurs et administrateurs communient dans le même mépris des Ukrainiens de Galicie et sont les seuls qu’on daigne écouter à Vienne. Leur situation débloque lorsqu’en 1848, des révoltes éclatent un peu partout en Europe: Paris, Bruxelles, Berlin, etc.

Carte de l’Autriche-Hongrie en 1867

Carte de l’Europe en 1871

L’empereur François-Joseph (le même que rencontrera Mgr Langevin) craint une révolte des Polonais en Galicie. Brutalement réveillé, il joue la carte ukrainienne pour faire contrepoids aux Polonais: il abolit le servage, leur permet d’élire des députés et les laisse en paix. Sous la direction molle de l’empereur, les Galiciens qui voient les réussites des Allemands et des Tchèques disciplinés, apprennent à les copier et deviennent des as de l’organisation et de la discipline de groupe.

Priorité numéro un, empêcher les Polonais de parler en leur nom. Ils créent rapidement un Conseil pour les représenter. Une première dans leur histoire. C’est le début d’un long combat incessant pour obtenir l’égalité avec les Polonais dans tous les domaines, la politique, mais aussi la culture et l’économie.

La colonne vertébrale des Ukrainiens de Galicie est leur clergé, avec ses propres rites dont se méfie l’Église polonaise. L’Église ukrainienne est la seule institution en laquelle ils peuvent s’identifier complètement, en qui ils ont une confiance totale et qui leur apporte un soutien sans faille. Comme eux, leurs prêtres sont mariés, comme eux, ils sont pauvres et donc proches du peuple; mais contrairement à eux, ils sont instruits.

Avec l’appui du clergé, ils tricotent un réseau pour sortir de l’analphabétisme et donc de l’ignorance: 3000 bibliothèques et salles de lecture surgissent un peu partout en Galicie. Suivent des organisations nationales, le premier journal en langue ukrainienne, des dizaines de périodiques, une maison d’édition, etc.

Avec les années, les Galiciens réussissent à entrer à l’école, obligatoire à la fin du XIXe siècle, à l’Université de Lviv, où ils vont chercher maintenant d’autres diplômes que ceux de droit ou de théologie. Ils commencent à se voir comme un groupe national distinct.

Tout ce nationalisme prend racine, devient un mouvement de masse qui influence toute l’Ukraine russe et attire même ses intellectuels en Galicie.

À la fin du XIXe siècle, la Galicie est devenue le centre du réveil national ukrainien. Les Galiciens ont formé des milices pro-autrichiennes et, en 1890, leur premier parti politique.

Quelques Ukrainiens, en Galicie comme en Russie, commencent à parler d’indépendance. Pas trop fort. Ils ne sont pas les seuls; Tchèques, Polonais, Slovaques, Croates, tous attendent la fin de la domination de Vienne. En attendant, les Galiciens traînent économiquement derrière tous ces peuples.

“Comptez sur vos propres moyens”

Pour sortir, un tant soit peu, de la misère, ils adoptent comme devise “Comptez sur vos propres moyens” et regroupent leurs maigres ressources économiques. Avec l’aide massive des professeurs, des avocats et surtout du clergé, ils créent des coopératives et plus de 500 caisses pop réunies dans une fédération. En quelques années, la Galicie fourmille de coopératives agricoles et laitières, d’associations de crédit et de compagnies d’assurances qui, pour la première fois, dotent les Ukrainiens d’un pouvoir économique collectif, mais c’est encore nettement insuffisant car les campagnes sont surpeuplées.

Plus de 90% des Ukrainiens catholiques sont cultivateurs. La majorité ont des terres trop petites pour les faire vivre et ils sont tous lourdement endettés. Des milliers sont obligés de vendre leurs terres. L’industrie n’existant pratiquement pas, il n’y a peu d’alternatives à la pauvreté des campagnes. En fait, il y en a une : émigrer. Mais où? Dans l’empire russe? Chez leurs compatriotes dont ils sont séparés depuis maintenant trois siècles? C’est encore pire. La trentaine de millions d’Ukrainiens, pratiquement tous cultivateurs eux aussi, y sont traités comme des esclaves. En 1876, le tsar a même interdit la langue ukrainienne et frappé de sanctions sévères son usage et son enseignement. Le nom même d’Ukraine est rayé du vocabulaire du gouvernement russe dont le mot d’ordre est: «Il n’y a jamais eu, il n’y a pas et il n’y aura jamais d’Ukraine». En plus, ils n’ont pas l’ombre du début d’une organisation. Alors la Russie? Très peu pour les Galiciens.

C’est alors qu’ils entendent parler de l’extraordinaire voyage de Ivan Pylypiw et Wasyl Eleniak, deux cultivateurs du village de Nebylov, dans un pays qui semble tout aussi extraordinaire et dont ils ne savent absolument rien, le Canada.

Le Canada

Depuis 1885, le Canada s’enorgueillait du tout nouveau et très coûteux chemin de fer qui traverse le pays en entier. Le train se retrouve un peu tout seul aussitôt dépassé Winnipeg. Le Canada rêve d’une immigration massive pour peupler les plaines désespérément vides. Malgré toute la publicité du gouvernement dans les pays scandinaves, en Allemagne et en Grande-Bretagne, les immigrants ne se bousculent pas. Ils préfèrent de beaucoup s’installer aux États-Unis. Les Canadiens français? Il y en a, beaucoup trop aux yeux de Clifton Sifton, le ministre de l’Intérieur, qui comme beaucoup d’anglos, craint leurs nombreuses familles. Aussi, il en coûte un bras pour le Canadien français qui veut prendre le chemin de fer pour cultiver les terres de la Saskatchewan ou de l’Alberta. Mieux vaut se rendre dans les manufactures de la Nouvelle-Angleterre. Coincé, le gouvernement fait une croix sur les immigrants britanniques, scandinaves, etc. et, en 1896, commence à faire de la publicité pour les plaines en Galicie. Justement, les Ukrainiens de Galicie n’attendaient que ça.

Quelques années plus tôt, Ivan Pylypiw et Wasyl Eleniak, ces deux cultivateurs du village de Nebylov en Galicie, s’étaient établis en Alberta. Une rumeur circule: on peut acquérir 160 acres de terre (10 fois plus que ce que le Galicien moyen possède) pour le prix dérisoire de 10 $.

Affiche intitulée «Canada : 160 acres de terre gratuite pour chaque colon», publiée par le ministère de l’Immigration, de 1890 à 1920.

La rumeur est vraie. Josep Oleskiw, un prof d’agriculture de Lviv, publie une brochure “À propos des terres gratuites”. Succès dans les campagnes galiciennes surpeuplées. Un filet de Galiciens commence à couler vers les plaines canadiennes. On les installe en bloc sur les riches terres entre Winnipeg et Edmonton. Ainsi regroupés, ils peuvent mieux s’entraider. Des lettres enthousiastes arrivent dans les campagnes de la Galicie. Le filet devient torrent, puis fleuve, 100 000 Galiciens arrivent au Canada durant la seule année 1911.

Les immigrants galiciens

Immigrants galiciens (ukrainiens) à Québec, vers 1911

Les Canadiens ne déroulent pas le tapis rouge. Plusieurs sont horrifiés par l’arrivée de ces “troupeaux de Galiciens à demi-civilisés”. L’écrivain le plus connu du Canada, Stephen Leacock, craint que le tissu social canadien n’en soit grandement endommagé.

Pendant ce temps, en Galicie, Joseph Jean étudie; l’ukrainien, une langue particulièrement difficile, pour parler avec les autres moines et, pour parler à Dieu, le slavon.

Le slavon

Alphabet slavon

Comme il le raconte dans ses mémoires, il trouve que la société ukrainienne a de nombreux points communs avec le Québec. Il écrit que les Galiciens sont très pieux, très démonstratifs dans leur pratique et que, comme au Québec, les prêtres sont perçus comme des leaders. Il admire le nationalisme des Ukrainiens de Galicie et leur long combat contre les Polonais pour sauvegarder leur langue, leur religion et leurs droits. Il ne peut que faire le lien avec celui mené par les Canadiens français contre les Anglais. Il sympathise avec ce peuple.

Le 6 septembre 1911, Joseph Jean devient le premier Canadien français prêtre selon le rite catholique ukrainien. Le lendemain il célèbre sa première messe en slavon. Il est ensuite envoyé au monastère de Lavriv dans la région de Lviv où il commence à collectionner des objets religieux, passe-temps et passion qui l’occuperont toute sa vie.

Au cours des années 1911 et 1912, il explore le pays, fait même une saucette en Ukraine russe, est reçu dans de nombreux cercles, séjourne à Cracovie, Vienne, Londres. En juin 1912, il rentre au Canada.

Après une visite à ses parents à Saint-Fabien, il se dirige vers St-Boniface. Mgr Langevin lui confie la desserte de missions ukrainiennes du diocèse de St-Boniface et il fonde une école à Sifton au Manitoba où vivent 15 000 Galiciens.

Il est prêtre, pas encore moine. Aussi, en octobre 1913, il retourne en Galicie pour faire son noviciat chez les moines de Krechiw.

Il se prépare à retourner au Canada où les Galiciens l’attendent avec impatience lorsqu’il apprend, le 28 juillet, l’assassinat à Sarajevo de l’archiduc François-Ferdinand, l’héritier du trône autrichien. Le tueur est un nationaliste serbe.

L’Autriche déclare la guerre à la Serbie. L’Allemagne se range du côté de l’Autriche, la Russie de celui de la Serbie. La France est l’alliée de la Russie… Bref, en août 1914, l’Europe est en guerre.

Europe en 1914

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/archive/6/63/20080724194410!Europe_1914.jpg

Europe centrale

http://www.flatrock.org.nz/topics/history/assets/central_europe_1914.jpg

n.b. Lemberg = Lviv
Cracow = Cracovie

L’Europe en guerre

D’un côté, l’empire allemand, l’empire autrichien, l’empire turc, de l’autre, l’empire russe, la France, la Grande-Bretagne, le Canada etc. Voyager devient impossible. Joseph Jean, sujet britannique, est coincé à l’extrémité est de l’empire autrichien à la frontière de l’empire russe. La Galicie devient le champ de bataille où s’affrontent les armées des deux empires.

Source: http://www.infoukes.com/history/images/internment/booklet01/figure10.jpg
COUPEURS DE BOIS AU CAMP DE DÉTENTION DE SPIRIT LAKE. (Source: infoukes.com) Tous les Ukrainiens qui ne sont pas encore naturalisés canadiens deviennent automatiquement des ressortissants de pays ennemis; 9 000 sont internés dont quelque 6 000 Galiciens dans plusieurs camps de détention. Celui de Spirit Lake, près d’Amos, loge plus de 1600 prisonniers dont 60 femmes et enfants.

Pendant que les Allemands déferlent en Belgique et en France, les Russes envahissent la Galicie. Le Père Jean se retrouve au milieu des combats. Au début de septembre 1914, après une sanglante bataille avec les Autrichiens, les Russes s’emparent de Lviv, la capitale. Battus, les Autrichiens écoutent volontiers les Polonais qui accusent les Ukrainiens de Galicie d’avoir aidé les troupes russes. Rafles, massacres, déportations dans des camps en Autriche, un rien suffit à condamner les Ukrainiens. À la fin septembre, en célébrant la messe, Joseph Jean demande par inadvertance la protection de Dieu pour le roi George d’Angleterre comme le font tous les prêtres canadiens, au lieu de nommer l’empereur François-Joseph d’Autriche. Grave erreur! Il est dénoncé aux soldats autrichiens. Ceux-ci se préparent à le fusiller lorsqu’il est sauvé in extremis par l’arrivée des avant-gardes russes.

Alors que les autres moines, sujets autrichiens, doivent s’enfuir, Joseph reste tout seul en poste au monastère de Lavriv. Pendant l’hiver 1914-1915, il s’occupe de huit paroisses tout en étant aumônier dans quatorze hôpitaux. La présence des Russes n’améliore pas le sort des Ukrainiens de Galicie. Le tsar est convaincu que tous les Slaves relèvent de la Mère Russie et la Mère Russie parle russe et pratique la religion orthodoxe. En Galicie, les Russes limitent l’usage de la langue ukrainienne, bannissent toutes les associations et, surtout, ils s’attaquent au clergé catholique. L’archevêque Sheptytsky qui, courageusement, a refusé de quitter son peuple est aussitôt arrêté et exilé en Russie.

Au printemps 1915, les Autrichiens contre-attaquent et recapturent la Galicie. Mais les Galiciens remarquent qu’ils ont été obligés de se faire aider par les Allemands. Il est clair pour toutes les nationalités de l’empire que l’armée autrichienne ne fait plus le poids. Au parlement de Vienne, les députés galiciens dirigés par Evhen Petrushevych parlent maintenant ouvertement d’autonomie sinon d’indépendance. À l’est, de l’autre côté de la ligne de feu, leurs compatriotes ukrainiens n’osent pas parler d’autonomie mais voient bien que l’empire russe vacille lui aussi.

La révolution russe

En février 1917, une première révolution éclate en Russie à Saint-Pétersbourg. Débordé par les événements, le faible tsar Nicolas II abdique. Il est remplacé par un gouvernement provisoire.

À Kiev, les Ukrainiens sautent sur l’occasion et, quelques mois plus tard, forment une ébauche de parlement.

En octobre, une deuxième révolution, la vraie, éclate en Russie. Les communistes balaient le gouvernement provisoire et prennent le pouvoir: le temps de Lénine commence. Celui de la guerre civile aussi.

À Kiev les Ukrainiens en profitent pour proclamer la République nationale d’Ukraine. Lénine ne voit pas d’un bon oeil la création de cette république “bourgeoise”, et une fois sa position consolidée dans le Nord de la Russie, il s’empresse d’expédier l’Armée rouge en Ukraine qui est bientôt à feu et à sang.

Des armées différentes, venues de tous les coins de l’horizon, vont passer et repasser «comme une râpe» sur l’Ukraine: les armées allemandes, les armées rouges de Lénine, les armées pro-tsar de Denikine et de Wrangel, les armées ukrainienne de Petlioura, les armées noires des cultivateurs anarchistes de Makhno, etc.

Un premier gouvernement galicien

L’empire des Habsburg achève de se désintégrer. L’empereur demande l’armistice. C’est l’occasion que les minorités de l’empire attendaient depuis si longtemps. En quelques semaines, les Polonais, les Tchèques, les Hongrois, les Yougoslaves proclament leur indépendance. Au début novembre, tous les partis ukrainiens de la Galicie s’unissent, forment un nouveau gouvernement et créent à leur tour leur première république, la République populaire d’Ukraine occidentale la ZUNR (Zakhidno-Ukrainska Narodnia Respublika). “République d’Ukraine occidentale” parce que celle-ci comprend, en théorie, les minorités catholiques ukrainiennes de la Tchécoslovaquie et de la Roumanie.

Le nouvel État n’est reconnu ni par l’empire autrichien, ce qui ne dérange plus personne, ni par la Russie soviétique en pleine guerre civile. Ni, ce qui est lourd de conséquences, par la Pologne qui vient tout juste de ressusciter en tant qu’État.

Guerre en Galicie

La Pologne revient de loin. Charcutée, démembrée à trois reprises (par les Russes, les Allemands, les Autrichiens), elle n’est même plus sur les cartes depuis 1797.

Mais la Pologne survit dans la mémoire des Polonais. Gravé dans cette mémoire, le souvenir indélébile que la Galicie, où habitent d’ailleurs beaucoup des leurs, a longtemps fait partie de la Pologne.

Dès la déclaration de l’indépendance, La Pologne envoie son armée. Plus nombreuse, mieux équipée, conduite par des officiers expérimentés, elle s’empare de Lviv le 21 novembre et en chasse le nouveau gouvernement.

Militairement, les Galiciens pourraient difficilement être en pire position. Ils ont beaucoup moins de soldats que les Polonais, très peu d’officiers expérimentés et aucun pays ne veut leur vendre des armes et des munitions. De plus, contrairement aux Polonais ils n’ont pas d’alliés sauf les Ukrainiens de Russie qui en ont plein les bras avec Lénine.

Yevhen Petrushevych

La nouvelle république dirigée par Evhen Petrushevych gouverne tout de même la majeure partie de la Galicie ukrainienne avec quatre millions de citoyens dont trois millions d’Ukrainiens.

Elle déclenche aussitôt des élections en novembre dans les régions qu’elle contrôle; 150 délégués sont élus, cultivateurs aisés surtout mais aussi des prêtres; la grande majorité y compris les socialistes, adoptent une politique modérée. Evhen Petrushevych devient le président de la république.

Rapidement, une administration efficace est en place. Pas d’expériences radicales comme en Ukraine pour les nouveaux élus qui suivent le modèle autrichien. D’ailleurs les fonctionnaires sont aussi bien ukrainiens que polonais.

Malgré la guerre, le gouvernement réussit à maintenir la stabilité et l’ordre dans ses territoires et lève une armée de 100 000 hommes.

Pendant que la guerre fait rage dans les deux Ukraine, le reste de l’Europe a cessé de se battre. L’armistice est en vigueur depuis le 11 novembre 1918. Dix semaines plus tard, en janvier 1919, commence à Paris la conférence de la paix.

Pendant six mois, les vainqueurs de la guerre — France, Grande-Bretagne, États-Unis, Italie, etc. — , vont faire la pluie et le beau temps en Europe et ailleurs dans le monde.

L’historienne Margaret Macmillan, dans son livre aussi magistral que vulgarisé, “Paris 1919”, a fort bien expliqué comment, en six mois, la carte du monde a été changée par ce qui était, au fond, le premier gouvernement mondial.

Conférence de Margaret Macmillan

Eclipse of the Sun, de George Grosz

L’agenda déborde: il faut récompenser les vainqueurs, liquider l’empire allemand, l’empire autrichien et l’empire turc; créer à même leurs dépouilles, de nouveaux pays pour leurs différentes minorités. Bref, retracer la carte de l’Europe, du Moyen-Orient et faire des retouches ici et là en Afrique et en Asie. Pour les guider dans cette tâche complexe à l’infini, une étoile polaire, la déclaration en 14 points du président américain Wilson. C’est sa vision pour un futur où les nations coexisteront dans une harmonie fraternelle et où les disputes se règleront pacifiquement dans un forum international, la Société des Nations, qui sera crée le 25 janvier. Pour leur part les différents peuples qui étaient sous le joug de l’empire autrichien, dont les Galiciens, ne jurent que par le point 10.

10- “Aux peuples d’Autriche-Hongrie, dont nous désirons voir sauvegarder et assurer la place parmi les nations, devra être accordée au plus tôt la possibilité d’un développement autonome.”

Le démembrement de l’Autriche-Hongrie (carte)

À cause de tous ces enjeux, des diplomates venus de 30 pays, suivis par des légions de journalistes, font une cour torride aux Alliés, particulièrement aux trois plus importants, le Président Woodrow Wilson des États-Unis, le Premier ministre David Lloyd George de la Grande-Bretagne et celui de la France, Georges Clemenceau. À Paris, on se barre les pieds dans les délégations, les rois, les ministres et les lobbyistes qui défendent toutes les causes, de l’indépendance des peuples du Caucase aux droits des femmes. Perdus parmi eux, les délégués des deux Ukraines toujours en guerre, l’une contre les Polonais, l’autre contre les communistes de Moscou. Ils sont démunis au possible; non seulement leurs délégués ne sont pas reconnus officiellement mais ils n’ont aucun lien avec les Alliés. Les Galiciens se sont battus du côté de l’Autriche, les autres Ukrainiens semblent aux Alliés vaguement socialistes même s’ils se battent contre Lénine.

Les Galiciens, au bout de leurs ressources, veulent que les Alliés reconnaissent leur indépendance et les aident à négocier avec les Polonais.

Les jeux d’influence

D’abord, les Alliés sont tous d’accord pour que la Pologne retrouve son indépendance. Mais avec quels territoires? Si la question préoccupe fort peu les Britanniques qui n’ont pas d’intérêts dans le coin, elle passionne les Français qui veulent une Pologne grande et forte à la fois pour des raisons pratiques et romantiques. La France ne peut surtout pas compter sur la Russie soviétique comme une alliée qui contrebalancerait l’Allemagne encore puissante; mais une Pologne forte peut remplir ce rôle. De plus, pour les Français, la Pologne, c’est le souvenir de la belle Maria Walewska, la maîtresse de Napoléon, les tristes émigrés polonais à Paris, Frédéric Chopin l’amant de George Sand, les volontaires polonais qui se sont battus contre les Allemands durant la guerre de 1870 et celle de 14-18. La Pologne est une bonne cause aussi bien pour la gauche que pour la droite.

Quant aux États-Unis, ils ne se prononcent pas sur ses futures frontières. Le problème est justement là.

Que faire avec la Galicie?

Les Alliés savent que la partie ouest de la Galicie, comprenant Cracovie, la vieille ville universitaire, est surtout peuplée de Polonais. La partie est de la Galicie est un brin plus compliquée à départager. Si les quelques grandes villes, comme Lviv la capitale, sont polonaises, ce sont des îles entourées d’une mer d’Ukrainiens. Or, les Alliés sont sérieusement embêtés par ces Ukrainiens catholiques. Par la langue et la culture ils appartiennent à l’est, comme leurs compatriotes de l’Ukraine. Mais leur long passé en commun avec l’empire autrichien, leur religion, les ancrent nettement à l’ouest. Les Ukrainiens catholiques devraient-ils avoir leur pays, comme les Tchèques, les Yougoslaves, Les Polonais? Les Alliés hésitent.

Par contre, les Polonais, influents à Paris, ont une opinion tranché sur la question de l’indépendance: absolument pas. Ils expliquent aux Alliés qui les écoutent volontiers que les Ukrainiens ne sont vraiment pas prêts à se gouverner eux-mêmes, qu’ils ont des sympathies communistes, bref, qu’une paternelle tutelle polonaise leur ferait le plus grand bien.

Pendant qu’on tergiverse, qu’on pèse le pour et le contre, les combats se poursuivent en Galicie. La jeune armée ukrainienne fait payer cher chaque mètre de territoire perdu.

Union (22 Janvier 1919)

En juin 1919, Petrushevych demande l’aide du père Jean. Joseph Jean a un passeport canadien, parle couramment l’ukrainien, l’anglais et le français, alors langue de la diplomatie. Un Canadien français devient ainsi le secrétaire particulier et l’interprète de Yevhen Petrushevych.

Entretemps, le grand pianiste Ignace Paderewski le Polonais le plus connu de la planète, fait finalement pencher les Américains du côté de la Pologne. Sous son influence et parce qu’ils savent que Lénine bouille de répandre la révolution communiste dans le reste de l’Europe, les Alliés tranchent en faveur de la Pologne et l’autorisent (25 juin 1919) à occuper militairement la Galicie, sous réserve que son statut sera fixé plus tard par la Société des Nations à Genève.

Les Alliés exigent des engagements très clairs: l’octroi aux six millions d’Ukrainiens de Galicie d’une autonomie étendue, le respect de la langue ukrainienne, leurs propres écoles, etc. La Pologne accepte d’autant plus volontiers qu’elle n’a aucunement l’intention de respecter aucun de ces engagements.

Aussitôt, l’armée polonaise intensifie son offensive. Manquant d’artillerie, de munitions, d’expérience, les Ukrainiens catholiques sont écrasés. À la fin juillet 1919, les Polonais contrôlent la Galicie. Le gouvernement et l’armée se réfugient de l’autre côté de la frontière, en Ukraine où le leader nationaliste Petlioura continue, tant bien que mal, plutôt mal que bien, à tenir tête aux armées de Lénine. Jean traverse en Ukraine où il travaille pour les deux gouvernements.

Joseph Jean qui en a plein les bras avec ses obligations diplomatiques est nommé en juillet aumônier de l’armée. Deux mois plus tard, une épidémie de typhus ravage l’Ukraine en octobre 1919, fauchant 90% de l’armée galicienne. Il se promène d’un hôpital militaire à l’autre parmi les malades hautement contagieux. Il racontera plus tard qu’il avait eu la sensation que c’était par miracle s’il n’était pas devenu une autre victime du typhus.

Il ne reste plus que 4 000 Galiciens en état de se battre avec ce qui reste de l’armée ukrainienne, 2000 soldats.

L’armée des deux Ukraines ne peut plus se battre et Lénine le sait. Désespérés, les Ukrainiens de Petliura ne voient plus qu’une solution, une entente avec les seuls qui peuvent repousser Lénine, les Polonais, les ennemis jurés des Galiciens. Les discussions commencent à Varsovie à l’automne 1919. Joseph Jean sert d’interprète aux deux délégations ukrainiennes.

Yevhen Petrushevych quitte l’Ukraine le 16 novembre avec son gouvernement et se réfugie à Vienne. Le 2 décembre, un traité est signé entre l’Ukraine de Petliura et la Pologne. Les délégués de Petrushevych quittent Varsovie. Pendant plusieurs mois, Joseph Jean fait la navette entre Vienne, l’Ukraine et Varsovie. Du 10 octobre 1919 au 15 août 1920. Il profite de son séjour dans cette ville pour créer avec Mgr. Achille Ratti (futur Pie XI) un chapitre de la Croix-Rouge qui vient en aide aux 40 mille Ukrainiens sont détenus dans des camps polonais. Puis le gouvernement en exil l’appelle.

Le gouvernement en exil

Encyclopedia of UkraineLe 25 juillet 1920, Petrushevych forme à Vienne un gouvernement en exil. Ce gouvernement sans pays n’a qu’un seul et unique but: en obtenir un. Pour ce faire, il faut convaincre les Alliés que l’Est de la Galicie, où ils sont majoritaires, devrait être reconnue comme un État indépendant. Il a besoin du Père Jean.

En août 1920, Le Père Jean arrive à Vienne, la ville qui l’avait tellement ébloui lors de son premier séjour avant la guerre. Il est aussitôt nommé directeur de la division de traduction au ministère des Affaires étrangères.

Il est rapidement débordé. Le gouvernement en exil se lance dans une intense campagne diplomatique pour faire reconnaître l’indépendance de la Galicie: un blizzard de mémos, notes et messages aux Alliés et à la Société des Nations, de lettres aux journaux, de communiqués de presse, d’articles de brochures aux titres éloquents (“Pour l’indépendance de la Galicie” ou “Pourquoi la Galicie ne doit pas faire partie de la Pologne”) sortent du bureau de Joseph Jean.

Puisque le statut politique de l’Est de la Galicie n’a pas été réglé par la Conférence de Paris, la souveraineté sur le territoire relevait des Alliés. La Pologne n’a que le doit de l’occuper temporairement et ce droit, disaient les Galiciens, devrait être révoqué.

À ce moment, on ne parle plus des autres régions où vivent les Ukrainiens catholiques: la Roumanie avait pris la Bukovine et la Tchécoslovaquie la Transcarpathie.

Le gouvernement en exil se démène, organise une levée de fonds aux États-Unis et au Canada où il récolte la somme considérable à l’époque de 33 000$. Puis Jean doit soudainement interrompre son activité.

On vient d’apprendre que les Soviétiques et les Polonais (qui ont laissé tomber Petliura) négocient un accord de paix à Riga (Lettonie) et, même s’il peut y avoir des conséquences pour les Ukrainiens de Galicie, ces derniers ne sont pas invités. Ils y vont quand même et Joseph Jean est le secrétaire. Le 8 septembre (1920) il arrive dans la capitale de la Lettonie. Ni la Pologne, ni l’URSS ne reconnaissent la délégation. Qu’à cela ne tienne, Joseph Jean bombardé responsable des relations avec la presse, donne jour après jour le point de vue de la Galicie ukrainienne aux journalistes étrangers. Le 5 octobre, il apprend, scandalisé, la teneur de l’accord : l’Union soviétique reconnaît la main-mise de la Pologne sur les Ukrainiens de Galicie; la Pologne, celle de l’URSS sur les autres. Mais, dernier espoir, cette décision n’engage ni les Alliés ni la nouvelle Société des Nations.

Retour à Vienne. Il a peine le temps de défaire ses bagages qu’il doit repartir, cette fois pour la Suisse. L’Assemblée de la Société des Nations va siéger pour la première fois à Genève le 15 novembre 1920. On attend 41 nations. Là non plus, la délégation ne ne peut pas se faire reconnaître un statut officiel et donc ne peut assister aux sessions de l’assemblée. Joseph trouve la parade; il se fait accréditer comme journaliste par un périodique ukrainien de Suisse. Il peut donc assister aux sessions.

La délégation réussit quand même à présenter un mémo à l’Assemblée. Elle dénonce les traitements que les Polonais font subir aux Ukrainiens en Galicie et demande leur autonomie. Les Ukrainiens de l’Amérique du Nord envoient une pluie de télégrammes à la SDN pour l’appuyer.

L’Assemblée ébranlée adopte une résolution, laquelle estime que la Pologne est seulement l’occupant temporaire de la Galicie ukrainienne et refile la question de l’autonomie à sa direction, le Conseil de la SDN, qui doit se réunir à Paris en février 1921. De nouveau, lobbying intense.

En février le représentant du Canada soulève la question de la Galicie ukrainienne. Le Conseil reconnaît lui aussi que la Pologne est un occupant temporaire et refile la patate aux Alliés recommandant qu’ils se penchent sur la question et décident si oui ou non la Galicie pourra être indépendante.

Tout repose maintenant sur les Alliés.

Entre deux sessions à Genève, Joseph Jean est un lobby à lui tout seul. On le retrouve à Londres, à Paris, à Gênes, à Rome à Vienne, Prague, Berlin et Budapest pour promouvoir la cause de son peuple adoptif. Il martèle partout le même message : depuis la fin de la guerre, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Roumanie, les pays baltes, la Finlande etc., ont obtenu leur indépendance. Pourquoi pas la Galicie? Il rencontre et supplie tous les décideurs qui peuvent appuyer l’indépendance de la Galicie: Clémenceau, le maréchal Foch, le premier ministre britannique LLoyd George, le roi Alexandre de Serbie, Mgr. Achille Ratti (futur Pie XI) l’homme d’État allemand W. Rathenau, le maréchal Pilsudski, président de la Pologne, etc. Il n’obtient que des promesses.

Conférence sur le Père Joseph JEAN (prononcée à Saint-Fabien le 27 août 1999)Par Richard SaindonNous sommes en septembre 1922, au moment où s’ouvre à Genève la troisième assemblée de la Société des Nations, l’ancêtre de I’ONU. L’un des deux délégués du Canada à cette conférence était Ernest Lapointe, un avocat natif de St-Éloi dans le Bas-Saint-Laurent. On l’informe qu’une délégation de la Galicie orientale désire rencontrer les représentants canadiens. Les Ukrainiens cherchent à cette époque des appuis diplomatiques pour les aider dans leur lutte contre les Soviétiques et les Polonais. Deux des trois Ukrainiens ne parlent ni anglais ni français. Le troisième, un homme au regard décidé vêtu d’une soutane, s’adressa bientôt à Ernest Lapointe dans un français parfait et lui dit:«Est-ce que Votre Excellence ne se souvient pas de moi ?»Lapointe répond alors: «Vous ai-je jamais rencontré?» Et l’inconnu de continuer: «Lorsque Votre Excellence était finissant au séminaire de Rimouski, j’étais en première année.» Sur quoi Ernest Lapointe reprit : «Vous êtes de Rimouski ?» Et l’inconnu enchaîne: «Mon nom est Jean et je suis né à Saint-Fabien de Rimouski.» Alors le visage d’Ernest Lapointe s’éclaire et il dit: «Si votre nom est Jean et si vous êtes né à Saint-Fabien de Rimouski, cessez immédiatement de m’appeler Excellence et parlons de chez-nous !».

Ce lobbying inquiète finalement les Polonais. Pour amadouer les Alliés, le gouvernement polonais vote le 26 septembre 1922 une loi sur l’autonomie de la Galicie ukrainienne. Impressionnés, les Alliés reconnaissent officiellement le 14 mars 1923, que la Galicie, toute la Galicie, fait partie de la Pologne. Joseph Jean est amèrement déçu; son rêve d’une Galicie indépendante vient de s’écrouler. Définitivement.

Les Ukrainiens sont passés de deux maîtres à quatre. L’U.R.S.S. d’abord, qui s’octroie la part du lion : 773.000 km² et 35 millions d’habitants. Puis vient la Pologne, qui garde la Galicie : 132.000 km² et 6.227.000 habitants. La Roumanie et la Tchécoslovaquie se partagent le reste.

La Yougoslavie

Joseph Jean n’a pas le temps de déprimer longtemps. Trois mois plus tard il est en Yougoslavie, plus précisément en Bosnie où se sont réfugiés des Galiciens. Les Serbes orthodoxes, appuyés par le clergé russe, tentent de les convertir. Bref, un peu la même histoire que dans l’Ouest canadien. Sheptycky lui a demandé d’établir un monastère. Son séjour ne sera pas paisible.

Peu de temps après son arrivée, des convertis l’attaquent à coups de pierres; plus tard, deux orthodoxes l’attaquent avec une hache et un bâton et il doit être transporté dans un hôpital.

Mais il n’est pas au bout de ses peines. Le gouvernement sort de la poussière une loi de 1885 qui interdit aux étrangers de prêcher la religion en Bosnie et on le jette en prison. Étant toujours sujet britannique, l’ambassadeur de la Grande-Bretagne le tire d’affaires. Mais Sheptycky abrège son séjour, les Galiciens ont besoin de lui au Canada.

Retour au Canada

En mars 1925, après une absence de 12 ans, Joseph Jean revient au pays. Andrei Sheptycky lui a confié une nouvelle mission: ouvrir aux Galiciens les portes du Canada fermées depuis la guerre; leur trouver un endroit pour créer une colonie et y bâtir un monastère. Les émigrants viendront de Yougoslavie ou de la Galicie maintenant administrée ou plutôt écrasée par les Polonais.

Aussitôt en possession de la Galicie, Les Polonais s’installent en maîtres et sapent les institutions des Ukrainiens. Les écoles sont fermées, de nombreux Ukrainiens chassés de leurs terres pour faire de la place aux colons polonais; des villages sont incendiés, des églises saccagées, les coopératives et bibliothèques pillées et détruites. Ceux qui le peuvent s’exilent au Canada car, avec l’aide de son ami Ernest Lapointe, alors Ministre de la Justice, Joseph Jean a persuadé Ottawa de rouvrir ses frontières aux Ukrainiens catholiques de Galicie.

Cette fois, ils viennent de tous les milieux. Si la plupart prennent aussitôt le train vers l’ouest, d’autres rejoignent les petites enclaves ukrainiennes de Montréal, aux alentours de la rue Iberville, à Lachine, mais surtout à la Pointe-Saint-Charles, où se regroupe le tiers des Ukrainiens de la métropole. Pendant que les immigrants s’installent tant bien que mal dans ces quartiers ouvriers, les plus pauvres de Montréal, Joseph Jean cherche un endroit pour une colonie.

Une Abitibi ukrainienne

Il est tenté par de grands terrains au nord de l’Alberta, mais c’est loin de tout, surtout des trains, alors comment les Ukrainiens pourront-ils vendre ce qu’ils feront pousser? Ernest Lapointe lui apprend que le gouvernement du Québec, convaincu de son immense potentiel agricole, rêve de coloniser l’Abitibi. Il persuade les fonctionnaires du Ministère de la colonisation qu’il peut faire venir 15 000 familles ukrainiennes de Yougoslavie et de Galicie. Nettement impressionné, le Ministère lui offre 250 milles carrés de terrain vierge près du lac Castagnier, à une trentaine de milles au nord d’Amos. Le bout du monde de l’époque.

Pour s’y rendre, il faut d’abord prendre le train jusqu’à Trois-Rivières. Celui-ci remonte ensuite très lentement le St-Maurice jusqu’à La Tuque; puis, le train tourne vers l’ouest; des centaines de milles jusqu’à Senneterre en Abitibi. De Senneterre jusqu’à la minuscule gare de Barraute. De la gare de Barraute, une mauvaise route conduit au nord à Lamorandière. Puis, la forêt; aucun sentier. Huit milles de forêt dense jusqu’au site du futur village qu’il nomme en l’honneur de son archevêque, Sheptetski.

En juillet 1925, quelques mois à peine après son retour au Canada, Joseph Jean est à pied d’œuvre. Il achète deux bœufs, une charrette et, avec quelques colons, il s’affaire à bûcher un chemin à travers la forêt. Avec ses bœufs, à travers bois, Joseph Jean prend une semaine, couchant souvent à la belle étoile, pour amener les matériaux de construction de Barraute. Il bâtit une première cabane en bois rond.

Le 14 août 1925, le père Jean célèbre sa première messe à Sheptetski. Puis il attend.

Il rêve d’un oasis de paix et de tranquillité pour une douzaine de moines, entouré de champs verts, avec des troupeaux de vaches et une fromagerie. Bientôt, dans cette forêt, s’élèveront les centaines et les centaines de maisons de cette nouvelle colonie qui deviendra le cœur de la vie ukrainienne dans l’est du Canada. Le gouvernement lui a promis que si le projet réussissait, il lui fournirait des terres pour 10 000 familles.

Il a écrit à l’archevêque : “Je pense que l’Abitibi est maintenant la place la plus prometteuse pour les Ukrainiens au Canada.”

Au début 1926, trois moines arrivent de Galicie. Le froid, la longueur de l’hiver, les chicanes viennent à bout des moines qui abandonnent le monastère après quelques mois. Fin du projet du monastère. Reste celui de la colonie.

Une première famille ukrainienne, les Borshhevsky, arrive de Montréal en septembre 1926.

En attendant l’arrivée des Ukrainiens de Bosnie et de Galicie, le Père Jean fait le tour des paroisses ukrainiennes de Montréal pour recruter des familles. «Le gouvernement leur offrait 100 acres. Pour les Ukrainiens privés de terre, c’était l’équivalent d’être millionnaire.», m’expliquait l’ancien maire d’Amos, Marcel Lesyk, né à Sheptetski et baptisé par le Père Jean. En 1928, une douzaine de familles arrivent de Galicie, surtout des vieux, il y a peu d’enfants, peu de jeunes. Mais Jean célèbre un premier mariage en novembre. D’autres s’ajoutent au cours des mois.

La petite colonie compte maintenant une trentaine de familles. Pas plus.

Le travail se poursuit avec frénésie. Ils bâtissent un monastère, une école et même une bibliothèque où Joseph Jean rassemble les œuvres d’art et les livres précieux qu’il a rapportés d’Europe. Anthony Kurello se souvient très bien du monastère, de l’école et surtout de la bibliothèque.

«Il avait charrié ici des livres du monde entier

Mais ils ignorent qu’en Galicie comme en Yougoslavie, personne ne s’occupe de recruter des colons pour Sheptetski.

Anthony Kurello: «Le père Jean avait dit : “C’est le pays de l’avenir.” Mais ça faisait dur, c’était la grosse misère.»

La saison, de la mi-juin à la fin août, est trop courte, le sol argileux, la terre pauvre. Il faut essoucher. La tâche est lourde. Ils se serrent la ceinture, “en arrachent” du matin au soir.

«Le climat était rude, ça ne poussait pas», expliquait Lesyk. Anthony Kurello précise: «Les Ukrainiens qui sont venus ici étaient des cultivateurs de blé; ils n’étaient pas habitués à la forêt.» Sans compter les maringouins et les mouches noires omniprésents qui les mangent vivants… Et l’isolement total. Ils sont seuls dans le bois, loin de tout. Si un Ukrainien a besoin du dentiste ou du docteur, il faut se rendre à pied à Barraute, puis à Amos. L’espoir de trouver de l’or ou d’autres minéraux s’amenuise. Chaque semaine ou presque, à pied, dans l’eau ou la boue jusqu’aux genoux, dans la neige le reste du temps, le père Jean descend à Barraute faire des achats et surtout ramasser le courrier au bureau de poste. Les Ukrainiens s’accrochent. Lesyk précise que pendant longtemps il a cru que le Père Jean était ukrainien. «Il était perçu comme un Ukrainien. Un dévoué. Un pionnier, un missionnaire dans le vrai sens du mot. Il inspirait et trouvait toujours la bonne histoire pour encourager ceux qui désespéraient.»

Le coup fatal arrive en octobre 1929. Il vient de New York. Le 28 octobre, le mardi noir, la bourse s’effondre. C’est le début de la Grande Dépression.

Le Canada ferme ses frontières, l’immigration arrête d’un seul coup. Les Ukrainiens de Bosnie et de Galicie ne viendront jamais. Bientôt, les colons, affamés, essaiment vers les nouvelles villes minières, Malartic, Rouyn Noranda et surtout Val D’Or. En 1931, il ne reste que 52 Ukrainiens dans la colonie. Joseph Jean ferme l’école, puis l’église. Puis le bureau de poste. Le rêve d’une Abitibi ukrainienne est bien fini.

Quelques années plus tard, venus de Montréal, les Canadiens-français arrivent peu à peu dans la région, encouragés par le gouvernement qui prône le retour à la terre. Sur les nouvelles cartes, Sheptetski s’estompe des cartes officielles puis des mémoires. Les Franciscains occupent le monastère près du village rebaptisé St.George-de-Lac-Castagnier.

Montréal

Église catholique ukrainienne de Saint-Michel

A regret, Joseph Jean revient à Montréal en 1931 pour s’occuper des paroisses ukrainiennes.

Il est nommé dans la paroisse Saint-Michel de Montréal, la maison-mère des églises ukrainiennes de Montréal. Il fait donc la navette entre Pointe-Saint-Charles, Lachine et le centre-villle. C’est la crise. Il consacre toutes ses soirées à aider ses paroissiens. Il crée des chorales pour les jeunes Ukrainiens dans quatre paroisses et parvient à ramasser des fonds pour acheter un terrain à St-Donat dans les Laurentides pour un camp de vacances pour les enfants ukrainiens.

Des rumeurs horribles filtrent de l’Ukraine soviétique, se répandent à Montréal et dans la diaspora ukrainienne: les cultivateurs meurent de faim.

“Holodomor”

Les désastres naturels, sécheresses, invasion de sauterelles, les Ukrainiens connaissaient très bien et depuis longtemps. Mais là, les idéologues de Moscou ont créé une nouveauté dans l’histoire du monde, une famine artificielle.

Depuis 1929, son rival Trotski en exil, Staline est solidement au pouvoir. Il veut se lancer dans de grands projets industriels et il n’a pas un rond. L’économie soviétique est en chute libre depuis la révolution. La seule chose que Moscou peut vendre à l’extérieur du pays sont les céréales, blé, seigle, etc. Et l’essentiel des céréales pousse en Ukraine, le grenier à blé de l’URSS.

Depuis qu’il a pris le pouvoir en 1917, le régime communiste veut abolir toute les propriétés privées; il a déjà nationalisé les commerces, des grandes entreprises à l’épicerie sur le coin de la rue; il ne reste qu’un gros morceau, le plus dur, les terres des millions de cultivateurs. Des fermes collectives sont déjà en place et Moscou pousse les cultivateurs dans le dos pour qu’ils en fassent partie; si les Russes renâclent, les Ukrainiens sont particulièrement réticents.

Le communisme n’est pas populaire. En 1928, alors qu’en Russie on compte un membre du parti par 125 familles rurales, le chiffre tombe à un par mille en Ukraine.

Staline qui n’a pas oublié la guerre civile, va faire d’une pierre deux coups: écraser tous les vestiges du nationalisme ukrainien et s’emparer des terres.

En 1929, Staline annonce aux cultivateurs ukrainiens qu’ils devront se joindre aux heureux co-propriétaires d’immenses fermes collectives. Le fonctionnement, en théorie, est simple. La récolte de ces fermes, toute la récolte, est envoyée dans d’immenses entrepôts. Le gouvernement prend sa cote dans l’entrepôt, puis redistribue ce qui reste aux fermes collectives qui le redistribuent aux cultivateurs.

Les cultivateurs ukrainiens sont plus que réticents à donner leurs outils, leurs vaches, leurs terres au gouvernement en échange d’un travail forcé dans une ferme collective avec un salaire dérisoire. La récolte baisse. En quelques mois, l’agriculture est complètement désorganisée.

Staline en accuse les “Koulaks” (c’est à dire, officiellement, les cultivateurs à l’aise mais en fait, tout cultivateur qui a l’ombre d’une réticence à travailler dans les fermes collectives). Staline les envoie en Sibérie. Au passage on en profite pour arrêter tous les nationalistes ukrainiens. Ils vont fournir la main d’œuvre forcée pour les grands plans industriels de Staline.

Les cultivateurs commencent à se serrer la ceinture.

En 1930, Staline annonce que le gouvernement collectera 30 % de la récolte de céréales.

En 1931, c’est 41,5 % de la récolte. Les Ukrainiens essaient toutes sortes de manœuvres pour soustraire le maximum des récoltes à la collecte.

En 1932, il n’y a plus rien à cacher; nouveau quota, le gouvernement annonce qu’il collectera 32 % de plus de céréales qu’en 1931.

Sur la famine de 1932-1933
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FILM The Harvest of Despair (54:55)Un documentaire sur la famine produit par the Ukraine Famine Research Committee.LIVRE1933, l’année noireUn couple de journalistes ukrainiens, Volodymyr Maniak et Lidia Kovalenko, a rassemblé les témoignages des derniers survivants de cette tragédie. Leur livre, “1933, l’année noire”, est capital pour restaurer la mémoire de cette terrible famine. (Ed. Albin Michel).Le Mémorial ukrainien(Holodomor)CarteEn rouge, les régions où le tiers des gens sont mortsVidéo

The 1932-1933 Famine-Genocide in Soviet Ukraine (9.15)


Il est évident qu’on condamne ainsi les cultivateurs à mourir de faim. Les entrepôts sont désormais gardés par l”armée.

Le 7 août 1932, la «loi des cinq épis» permet de condamner à dix ans de camp ou à la peine de mort «tout vol ou dilapidation de la propriété socialiste». De juin 1932 à décembre 1933, 125 000 personnes sont condamnées, dont 5 400 à la peine capitale, certains pour avoir volé quelques épis de blé ou de seigle dans les champs.

Les Goulags, les camps de concentration soviétiques, débordent: 200.000 détenus en 1927, 2.500.000 en 1930, 4.500.000 en 1933. En outre, des millions d’autres personnes sont déportées dans les régions éloignées du Nord et de la Sibérie.

Quitter la terre, travailler ailleurs pour se nourrir? Impossible! Non seulement les frontières de l’Ukraine soviétique sont fermées mais il faut un passeport pour se déplacer à l’intérieur de Ukraine. Les cultivateurs n’y ont pas droit.

Le gouvernement soviétique exporte 1,6 millions de tonnes de blé en 1932

L’hiver 1933

La Grande famine-1932-1933. Partie d’un triptyque de Nina Marchenko

En 1933, Staline, convainc l’appareil du parti que les cultivateurs cachent des tonnes de blé. Il envoie l’armée, la police et des jeunes zélés du parti. Ils visitent chaque maison, sondent même les murs, confisquent le moindre grain de blé, la moindre betterave. Ils saisissent même les semences, les grains nécessaires pour les semailles en vue de la récolte de l’année suivante. Ils emportent le tout sur des camions surmontés du drapeau rouge, et du slogan «L’Ukraine donne son pain à sa patrie».

Entre l’hiver 32 et le printemps 1933, 25 000 Ukrainiens meurent chaque jour. Cette plaine traditionnellement fertile se peuple de cadavres aux ventres enflés. Les survivants mangent les oiseaux, les chats, les racines. Il se produit des cas d’anthropophagie.

Dans Le Yogi et le commissaire, Arthur Koestler écrivait :

J’ai passé l’hiver de 1932-1933 principalement à Kharkov, alors capitale de l’Ukraine. C’était l’hiver catastrophique qui a suivi la première vague de collectivisation des terres. (…)

Voyager dans la campagne était une tragique aventure; on voyait les cultivateurs mendier le long des gares, les mains et les pieds enflés ; les femmes élevaient jusqu’aux fenêtres des wagons d’affreux bébés à la tête énorme, au ventre gonflé, aux membres décharnés. On pouvait troquer un morceau de pain contre des mouchoirs brodés ukrainiens, contre des costumes nationaux…. les étrangers pouvaient coucher avec à peu près n’importe quelle fille, sauf avec les membres du Parti, pour une paire de souliers ou pour une paire de bas. A Kharkov, les processions funèbres défilaient toute la journée, sous la fenêtre de ma chambre d’hôtel… (Arthur Koestler, Le Yogi et le commissaire, Paris, 1946, p. 200.)

Bilan : entre six et sept millions d’Ukrainiens morts, un cinquième de la population des campagnes! Mais l’URSS continue d’exporter du blé, 2,1 millions de tonnes de blé en 1933.

Aux inquiétudes de la Société des Nations, aux offres d’aide du Comité International de la Croix-Rouge, Staline répond que les rumeurs de famine sont une calomnie contre le régime communiste. Il rejette toute offre d’aide du revers de la main. Il est appuyé par de grands naïfs influents, George Bernard Shaw, Romain Rolland, etc., qui, suite à des voyages minutieusement organisés par Moscou en Ukraine, rapportent que tout y va très bien.

La réquisition des céréales cesse officiellement au printemps 1933.

Pour Staline, l’opération est un succès. La famine a écrasé les nationalistes, brisé la volonté des cultivateurs de résister aux fermes collectives et laissé l’Ukraine traumatisée.

Staline a montré aux cultivateurs qui est le maître en Ukraine. Les fermes collectives sont là pour rester.

Les Nazis en Ukraine

Le 21 juin 1941, 3 millions d’Allemands envahissent l’Union soviétique. Six jours plus tard, ils sont à Lviv, puis en Ukraine soviétique. Les troupes allemandes sont stupéfiées; les Ukrainiens leur présentent du pain et du sel, symbole d’hospitalité. La famine, les grandes terreurs des années 30 les ont convaincu que rien ne pouvait être pire que Staline et que les Allemands vont les débarrasser du régime communiste.

Mais Hitler considère tous les Slaves comme les futurs esclaves des Allemands. Quand aux Juifs, ils doivent être exterminés. Hitler lâche contre eux des tueurs entraînés, les Einsatzgruppen. Au début, les Nazis peuvent compter sur des collaborateurs locaux. Puis, coup de tonnerre chez les Allemands et leurs amis, Sheptytsky dénonce dans ses sermons les massacres de Juifs. Il affirme que les Allemands sont pires que les Russes. Il ose même, en février 1942, protester auprès d’Heinrich Himmler lui-même contre la destruction de la communauté juive de Galicie. À la fin août, il écrit au pape Pie XII lui signalant “ la nature presque diabolique” du régime allemand. Joignant le geste à la parole, il cache des centaines de Juifs dans les monastères de l’Église ukrainienne. Il mobilise l’opinion chrétienne contre les Nazis en Galicie. Les collaborateurs se font de plus en plus rares. Des groupes de partisans forment une armée, la UIA, (l’Armée nationale ukrainienne) et se battent à la fois contre les Nazis et les Soviétiques. D’autres, avec la bénédiction de Sheptytsky, entrent dans la toute nouvelle division galicienne de la Waffen SS, l’élite des troupes nazies.

Le pacte avec le diable

Les Galiciens se souviennent très bien qu’en 1918-1919, lors de la guerre contre les Polonais, l’absence d’une armée entraînée avait amené leur défaite et la perte de leur pays.

Aussi, les volontaires de la SS Galizien sont pratiquement tous sans exception des patriotes qui ont fait consciemment un pacte avec le diable pour obtenir des armes et de l’entraînement de façon à avoir une force militaire prête à défendre la Galicie contre les Russes une fois les Allemands partis.

Himmler, le chef des SS, recrutait déjà dans ses troupes des Hollandais, des Français, des Britanniques (la légion St.George), etc. Après la chute de Stalingrad, ils acceptent que les Galiciens forment leur propre division dans la Waffen SS.

En 1943 et en 1944 quelque 18,000 Ukrainiens de la division Galicia se battent contre les Soviétiques. En même temps, ils complotent avec les maquisards de l’Armée nationale ukrainienne qui affrontent à la fois les Nazis et les communistes.

La division Galicia

Ils ne comprennent pas pourquoi la plupart des Alliés, sauf Churchill, restent si complaisants devant Staline. Au Canada, aux États-Unis, on présente avec enthousiasme des films de propagande sur notre grand allié soviétique. Le président Franklin Roosevelt est convaincu que Staline est un bon gars, un peu rustre sur les bords… La naïveté atteint des sommets à Ottawa où l’élite se précipite aux réceptions de la toute nouvelle ambassade soviétique. Joseph Jean qui, depuis 1942, s’occupe des Ukrainiens catholiques de la capitale, est profondément ulcéré.

Le Québec catholique est immunisé contre une telle naïveté; Fred Rose a bien été élu député communiste à Montréal dans un quartier multiethnique, mais les envoûtés de Staline, sauf des enfants de riches, gradués de McGill comme Madeleine Parent et Raymond Boyer, sont rares chez les Canadiens français. Pour sa part, Joseph Jean n’a pas l’ombre du début d’un doute sur le régime communiste.

Le 12 avril 1945, profondément écœuré par les concessions des Alliés à Staline (mains libres en Europe de l’Est et en Galicie) lors des conférences de Téhéran et de Yalta, il est incapable de se contenir plus longtemps. Lors d’une conférence à l’Institut canadien d’Ottawa, il dénonce les pays occidentaux qui font trop de concessions à Staline. Commotion chez les gens biens d’Ottawa et les naïfs professionnels. Il est retiré illico de sa paroisse d’Ottawa et envoyé réfléchir au monastère de Mundare en Alberta.

Jean avait pourtant raison. Les Alliés s’en aperçoivent dès la fin de la guerre lorsqu’ils apprennent que les Galiciens se suicident en masse dans l’Europe libérée.

La guerre a déplacé plus de deux millions d’Ukrainiens qui errent en Europe de l’Ouest: survivants des camps de concentration nazis, travailleurs forcés en Allemagne, maquisards de l’Armée nationale ukrainienne, et les 9 000 soldats de la division SS Galicia rebaptisé Première division de l’armée nationale ukrainienne. Les Russes aimeraient beaucoup les rapatrier…

Il faut envoyer quelqu’un en Europe pour s’occuper des réfugiés, les prêtres en particulier et les Ukrainiens en général; ce sera Joseph Jean, le spécialiste du lobbying gouvernemental.

En janvier 1946, il retourne à Londres d’où il sillonne l’Europe pour aider les organismes qui remuent ciel et terre pour empêcher le rapatriement forcé des Ukrainiens en URSS. Pendant quatre ans, il visite les camps de réfugiés, séjourne à Paris puis à Rome. Les Alliés veulent poursuivre les rapatriements forcés. 200,000 réfugiés, en grande majorité des Galiciens, refusent de retourner dans leur patrie désormais sous le contrôle de l’URSS. Mais ils sont bouleversés par les nombreux suicides d’Ukraininens qui préfèrent s’enlever la vie plutôt que de retomber sous Staline. Au milieu de 1947, les Alliés cessent les rapatriements forcés.

La même année, les portes du Canada s’entrouvrent. 30, 000 Ukrainiens se précipitent au Canada, principalement dans l’ouest. À leur arrivée à Montréal, certains de ces réfugiés ukrainiens de la troisième vague s’installèrent près de leurs compatriotes qui y étaient déjà établis, au centre-ville, aux alentours de la rue Iberville, à la Pointe-Saint-Charles, à Lachine et à Ville-Émard.

Sa mission accomplie, Joseph Jean aimerait bien les accompagner; impossible. Il doit s’occuper de la communauté ukrainienne de Londres.

En 1912, lors de son premier séjour, Jean n’avait pas trouvé la trace d’un seul Ukrainien. Sous l’afflux des réfugiés, le nombre d’Ukrainiens dans la capitale anglaise explose. Il va y ouvrir la première patrosse ukrainienne dans la capitale britannique avant de revenir définitivement au Canada.

En août 1949, alors âgé de 64 ans il revient définitivement au pays et retourne à Mundare pour enseigner au juvénat tout en s’occupant des communautés ukrainiennes d’Edmonton. Il crée un petit musée au monastère de Mundare dont l’essentiel provient de la grande collection d’objets religieux qu’il a amassé durant toutes ses années en Europe, bibles, manuscrits religieux, icons rares etc. Les nouvelles de la Galicie et de l’Ukraine sont déprimantes.

Inébranlable dans ses principes, immensément populaire, Sheptytsky était la seule barrière entre les communistes et son peuple. Il est mort le 1er novembre 1944.

Staline rattache la Galicie au reste de l’Ukraine. Il peut faire ce qu’il veut, il a maintenant les mains libres. D’abord, il emprisonne ou envoie en exil tous les évêques catholiques ukrainiens. L’Église décapitée, Staline, Nikita Khrushchev et Alexy I, le Patriarche orthodoxe de Moscou, un pantin de Staline, orchestrent le démantèlement de l’Église catholique ukrainienne. En mars 46, lors d’un synode à Lviv, une poignée de prêtres catholiques ukrainiens, la menacante main de Staline dans le dos, coupe officiellement les liens qui l’unissent à Rome depuis l’Union de Brest de 1596. Tous les Galiciens doivent rejoindre la religion orthodoxe. Les propriétés de l’Église sont transférées à l’Église orthodoxe. L’Église catholique ukrainienne n’existe plus. Officiellement.

Le clergé fidèle se cache; les messes sont célébrées avec tous les risques qu’on imagine dans les fermes et les forêts. Cette nouvelle Église des catacombes est supportée par la diaspora ukrainienne, celle du Canada en tête.

L’Occident en a peu entendu parler mais en Galicie, des dizaines de milliers de partisans vont se battre sans aucun espoir de vaincre jusqu’au milieu des années 50 contre les armées de Staline.

La pacification de l’Ukraine 1944-1956

Aux centaines de milliers raflés dans les camps durant l’occupation soviétique de la Galicie, s’ajoute un autre demi-million de partisans, de cultivateurs opposés aux fermes collectives et des Galiciens catholiques.

L’Église domptée, les derniers partisans exécutés ou en Sibérie, Staline aurait bien aimé, aux dires de Khrouchtchev, déporter les 30 millions d’Ukrainiens en Sibérie; mais ils sont vraiment trop nombreux. Il va les russifier de force.

Autour des années 50, il y a régulièrement des conflits à Montréal entre les Ukrainiens communistes et les nationalistes. Par contre, orthodoxes et catholiques s’entendent parfaitement, C’est pourquoi, ensemble, ils réclament leur Caisse pop. La Fédération des caisses populaires Desjardins, estomaquée, refuse. Ses statuts précisent que les caisses sont pour les Canadiens français catholiques. Finalement Joseph Jean va s’en mêler et la caisse populaire ukrainienne ouvre en 1953 sur le Boulevard Saint-Laurent.

Ses  supérieurs lui confient, en 1959, une paroisse de Vancouver. À l’age de 76 ans, en 1961, Joseph Jean se retire ensuite au monastère de Grimsby dans la péninsule du Niagara. Anthony Kurello était allé le rencontrer. «Il était enthousiaste, heureux de nous voir. Il nous montrait son verger, les fruits qui poussaient…»

En novembre 1963, 900 Ukrainiens de Montréal se réunissent pour célébrer le cinquantième anniversaire de son travail pour les Ukrainiens. Ils ne voulaient pas qu’un jour son nom soit oublié. Ils créent un an plus tard la fondation du Père Jean pour inscrire son nom de façon indélébile dans leur histoire.

Pierre tombale de Joseph Jean

Le 8 juin 1972, à l’âge de 87 ans, le Père Jean s’éteint doucement. Sa dépouille, recouverte du drapeau ukrainien, est transportée et inhumée au cimetière de Mundare en Alberta. Devant la tombe, les Ukrainiens, reconnaissants, lisent un extrait de la Bible.

Et Ruth dit: «Ne me presse pas de te laisser en m’en retournant loin de toi. Où tu iras, j’irai; où tu demeureras, je demeurerai; ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu; où tu mourras, je mourrai et j’y serai ensevelie.» (Livre de Ruth, Chapitre 1, verset 16)

L’Ukraine libre

Quand Gorbachev lance la perestroïka, le nationalisme ukrainien semble une chose du passé. Les leaders les plus connus sont en prison ou en exil. Les derniers prisonniers politiques ne sont libérés qu’ en 1987. Sauf pour les durs de la diaspora dont ceux du Canada, la contestation du régime communiste semble bien finie. Les partisans de l’indépendance, surtout Galiciens, ne sont plus qu’une poignée. Les militants, quelques milliers. Sur 50 millions d’habitants.

Le désastre nucléaire de Tchernobyl le 26 avril 1986 a été le coup de mort du régime. Le gouvernement a attendu deux jours avant d’évacuer la population qui n’a appris l’ampleur du désastre que grâce aux médias étrangers. Le reste de confiance des Ukrainiens s’est volatilisé. Les Galiciens à l’extrémité du pays ont été les premiers à revendiquer. La périphérie a fait bouger le centre.

La Galicie fournit l’essentiel des troupes de choc des dissidents et des manifestants et est à l’origine du parti politique, le Rukh, qui mène le combat pour l’indépendance de l’Ukraine. Dix-neuf ans après le décès du Père Jean, l’un de ses souhaits les plus chers se réalise. Profitant de l’éclatement de I’URSS, l’Ukraine redevient en 1991 un État indépendant.

L’Église ukrainienne catholique sort des catacombes. Elle ne possède plus rien ou presque. Les Orthodoxes se sont emparés de pratiquement toutes ses églises et ses propriétés. Commence une guérilla ecclésiastique avec des accrochages sérieux entre les fidèles des deux Églises. Mais la plupart des paroisses de Galicie redeviennent catholiques.

Carte de l’Ukraine aujourd’hui

La Galicie historique aujourd’hui (carte)

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Le dernier de la colonie

«Un Ukrainien de cœur, un héros pour nous, qui se donnait complètement.» Léo Chayka.

Déjà au milieu des années 80, le Père Leo Chayka dont la paroisse couvre l’Abitibi, s’inquiétait de l’avenir. En français du coin, teinté d’accent ukrainien, il m’expliquait, ému: Il y a déjà eu 275 familles en Abitibi; la plupart sont parties dans le Sud. Tristement, il égrenait, songeur: «À Amos, trois familles, à Malartic, une famille, etc.» «C’est déprimant, j’ai donné toute ma vie ici, j’aimerais garder ma paroisse. Je me sens chez nous ici. Notre pied à terre était ici…»

Dans l’ancienne colonie, des familles se sont accrochées à la terre jusqu’aux années 70. Anthony Kurello, qui vit à La Morandière, est le dernier.

Nous avons marché un kilomètre dans la forêt qui a poussé sur les champs de l’ancienne colonie. Près du lac Castagnier, face à de petites îles, un minuscule cimetière. Kurello m’a indiqué les pierres tombales de quelques Ukrainiens, Mokry, Sup, Andrusyshyn…

Et celles de ses parents, en lettres cyrilliques et romaines.


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